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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 juin 1836

8 juin [1836], mercredi après-midi, 3 h.

Cher bien-aimé, avant de m’habiller il faut que je t’ouvre mon cœur, il faut que je te montre les trésors de joie et de bonheur que j’ai amassésa depuis les quelques jours que tu me donnes presque tout entiers. Oui, mon Toto adoré, chacune des minutes que tu m’as données s’est transformée en souvenir de flamme dans ma pensée. Chacun de tes sourires a guéri une des nombreuses plaies que l’absence m’avait faitesb au cœur. Je suis heureuse, je te bénis, je t’aime, je voudrais mourir pour toi, je voudrais être plus qu’une femme pour t’aimer et moins qu’un chien pour me coucher à tes pieds.
Je ne sais pas ce que je dis, moi, la tête me tourne, le bonheur a aussi son ivresse. Mais ce que je veux dire, tu le sais, ce que je sens, tu le sens aussi, n’est-ce pas ? Et il ne te sera pas difficile de deviner tout ce que mon esprit balbutie ?
Je t’aime, je t’aime, comprends-tu ? Eh bien je t’aime encore PLUS.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 138-139
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « amassé ».
b) « fait ».


8 juin [1836], mercredi soir, 8 h.

Je viens de dîner tristement, mon pauvre petit ange. Ce n’est pas ta faute mais c’est encore moins la mienne. Je ne peux pas passer un moment sans te voir sans être malheureuse et triste de ton absence.
Cher adoré, où étais-tu pendant cette grosse pluie d’orage ? J’ai été bien inquiète de toi tout le temps qu’elle a duré. Est-ce que tu ne viendras pas ce soir ? J’ai peur que non et cela me décourage. Ah ! mon Dieu, voilà l’averse qui reprend comme de plus belle ! Que le diable l’emporte si elle doit m’empêcher de te voir une minute plus tôta.
Je vois à peine où je pose ma plume, j’ai déjà appeléb Suzette jusqu’à m’égosiller ; elle ne m’entend pas, tant pire donc, et je finirai ma lettre à tâtonsc. Il fait assez clair dans mon cœur et je suis sûre de ne pas me tromper en te disant : mon Toto, je t’aime.
Je suis fameusement en sûreté à présent : j’ai fait polir mon verrou tantôt, cela m’a coûté 1 F. C’est bien cher. J’ai aussi mon chapeau de paille. Il ne manque plus qu’une faiseuse de mode… cela se trouvera. Si j’étais aussi sûre de te voir ce soir que je suis sûre d’en trouver une quelconque je serais bien gaie et bien heureuse. je t’attendrai avec patience.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 140-141
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « tôt » surcharge le mot « tard » écrit sans doute par lapsus calami.
b) « appellé ».
c) « taton ».

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