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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 octobre [1844], mardi matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon petit Toto bien aimé, bonjour, mon doux ami, mon cher petit homme, bonjour, bonjour, comment te portes-tu ce matin ? Moi je vais très bien, à mes yeux près. J’ai remarqué déjà qu’ils alternent : un jour bien, un jour mal, et réciproquement. Je vais supprimer le régime de la pommadea pendant quelques jours pour voir si cela me réussira mieux. Cher adoré bien-aimé, je te demande pardon de ma paresse d’hier mais il m’aurait été vraiment impossible de sortir. Si tu étais femme à de certains momentsb tu verrais qu’il y a des malaises insurmontables quoiqu’on ne soit pas malade. J’allais t’écrire quand tu es arrivé, mon cher amour, et je n’en ai pas été fâchée. J’ai regretté de ne t’avoir pas écrit plus tôt. Mais j’étais très contente d’être empêchée de t’écrire par ta présence. Fâchez-vous si vous voulez mais j’aime mieux votre personne que ma plume. C’est injuste et ORIGINAL, je le sais, mais c’est comme cela.
Quand te verrai-je mon Victor bien aimé ? Le temps est bien beau quoique bien frais. Si tu sors pour travailler, viens me voir, cela me donnera de la joie pour toute ma journée. Tu le sais bien, n’est-ce pas mon Victor bien aimé, que tu es mon bonheur et ma joie ? Il faut donc me donner tous les moments dont tu peux disposer. Je t’en prie, je t’en supplie. Dans ce moment on est en train de réparer les désastres de Fouyou. 2 F. 50 s. de pot et de cuvette ! Et quel pot et quelle cuvette ! Enfin, il faudra bien que cela m’en tienne lieu. J’aime encore mieux ce désagrément que celui d’avoir des souris.
Jour Toto, je vous aime. Je vous désire, je vous attends et je vous adore. C’est tous les jours la même chose et je pourrais me dispenser de vous le gribouiller. Je n’aurais qu’à l’écrire en lettres d’or sur ma porte à côté de l’inscription de Mme Triger : – À LA RENOMMÉE DE LA BONNE SALADE. Ce serait fait une fois pour toute et cela aurait l’avantage et le désavantage d’être toujours vrai. En attendant, je vous baise sur toutes les coutures.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 273-274
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « pomade ».
b) « moment ».


22 octobre [1844], mardi soir, 6 h. ¾

Mon cher petit bien-aimé, je ne sais comment te remercier. Je suis honteuse de tant de bonté. Vrai, mon Victor adoré, si tu pouvais voir mon cœur, tu verrais que je te dis la vérité. J’ai fait serment tout à l’heure de ne te plus rien demander pour moi d’ici à l’année prochaine et je tiendrai mon serment. Je trouve que tu es mille fois trop bon et trop faible pour moi. Aussi je ne veux plus en abuser. Je te le promets et surtout je me le promets à moi-même. J’ai envoyé chez la penaillon mais il n’y a pas eu moyen d’obtenir un sou de diminution sur les 35 F. Du reste, je lui avais fait demander si elle avait encore de l’étoffe pareille, sans lui rien dire pourquoi, mais elle n’en avait plus. Cela fera une robe de chambre délicieuse et cela aurait pu faire de très jolis rideaux avec sept ou huit aunes de plus. Merci, mon Victor adoré, merci mon pauvre ange, ce sera la dernière folie que je te ferai faire pour moi personnellement. Quel bonheur, te voilà. Quel bonheur !!!!!!a
Hélas ! il n’a pas duré longtemps ! C’est égal, cela vaut mieux que rien et je suis bien heureuse.
J’attends une occasion d’avoir de la bonne toile pour te faire des chemises. Je t’en complèterai six et avec celles raccommodées, cela t’en fera dix ou douze.
Mon Toto adoré, tu es bon, tu es trop bon, je le dis du fond du cœur et en me reprochant d’en abuser. Pauvre ange, va. Je ne te dirai jamais assez l’amour et l’adoration sans borne que tu m’inspires. Je voudrais la dire à toute la nature. Je voudrais la crier tout haut pour que tout le monde sache combien tu es bon. Tout le monde sait que tu es grand mais moi seule je sais combien tu es noble, généreux, doux et bon. Je voudrais baiser tes pieds, mon Victor adoré.
Tu as eu tort de ne pas baigner te yeux, mon Toto, toi qui me recommandes tant le soin des miens, tu devrais me prêcher par l’exemple. Tâche au moins de revenir bien vite les baigner. Tu feras deux bonnes actions d’un coup : celle de faire du bien à tes pauvres beaux yeux adorés et celle de me combler de joie. Je t’aime mon Victor. Je te baise mon Toto chéri.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 275-276
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

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