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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 octobre [1844], lundi soir, 4 h. ½

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon cher amour bien aimé, bonjour toi, ma vie, mon âme, bonjour, bonjour. Je voudrais bien te voir, mon petit Toto, est-ce que tu ne pourras pas venir un peu tout à l’heure ? La journée me paraîtra bien longue et bien triste si je ne te vois pas un peu. Tâche de venir, mon petit Toto, tu me feras la plus grande joie et le plus grand bonheur que je puisse désirer.
Je n’ai pas envoyé Eulalie chez Mme Luthereau parce que cette dernière m’a écrit qu’elle viendrait peut-être aujourd’hui. Dans le cas où elle ne serait pas venue ce soir, je lui écrirai en lui envoyant l’épingle demain matin par Eulalie. Je crois que c’est assez bien arrangé comme cela, n’est-ce pas mon petit ami ?
Jour Toto, jour mon cher petit o, Juju vous aime de tout son cœur, et vous ? Ne mentez pas, scélérat, l’aimez-vous ? Voime, voime, à côté il y a de la place pour une autre. Hum ! Si j’en étais bien sûre de ces preuves....a je vous tuerais, non, je me gênerais. Vous n’auriez d’ailleurs que ce que vous mériteriez. Taisez-vous, vilain monstre, vous ne méritez pas d’avoir une aussi bonne Juju que moi, A/E mentb.
Baisez-moi et venez bien vite, ça vaudra bien mieux que de me laisser dire des bêtises.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 253-254
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) Juliette ponctue de quatre points.
b) Rébus : A/E = assurément.

© Bibliothèque Nationale de France

15 octobre [1844], mardi soir, 8 h. ¼

Va, mon cher petit bien-aimé, cela ne me fait pas de mal de t’écrire, non, non, mille fois non, au contraire, cela me fait du bien. Ce qui ne me fait pas de bien, c’est de t’attendre, c’est de croire que tu ne m’aimes plus, c’est d’être méchante et absurde. Voilà ce qui me fait mal aux yeux. Voilà ce qui m’arrive plus souvent qu’à mon tour.
Ce soir je suis très contente. J’espère que tu vas venir bientôt et cela me réjouit le cœur et me rafraîchita la vue. Je me dépêche pour que tu ne me trouves pas en train de te gribouiller ou en train de serrer mon linge car c’est aujourd’hui le jour de la blanchisseuse.
J’ai écrit à Mme Luthereau et à Dabat, tu mettras la lettre à la poste ce soir et Eulalie portera l’autre demain matin.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Je suis bien heureuse, je t’aime et mes yeux vont très bien. Si tu peux venir tout à l’heure, je n’aurai plus rien à désirer. En attendant, je vais être bien raisonnable, je ne lirai que d’un œil à la fois et je mettrai un garde-vue vert. Voime, voime, Mlle Chichi est fort intéressante comme celaa. Ia, ia, monsire, matame, il est son sarme [1].
On pourrait choisir ce moment-là pour me daguerréotyperb, ça serait charmant.
Affreux bonhomme, va. Tu voulais me faire tomber dans un affreux piège, mais j’y vois encore assez clair pour ne pas donner dans le godant [2]. Donnez-le à votre voisine, votre garde-vue, cela lui montera l’imagination. Mais quant à moi, ne vous y frottez pas ou je vous frotteraic les épaules. Baisez-moi, monstre d’homme, et aimez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 255-256
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) Dessin : Autoportrait en lectrice de journal.

© Bibliothèque Nationale de France


b) « daguerréotyer ».
c) « frotterez ».

Notes

[1Imitation de l’accent allemand pour « oui oui monsieur madame, il est son charme ».

[2Donner dans le godant : donner dans le piège, se laisser abuser.

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