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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 octobre [1844], dimanche matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon pauvre cher petit homme. Je n’ose pas te demander comment tu vas ce matin car je t’ai vu si triste cette nuit [1] que je crains que cela n’influe sur ta santé. Je voudrais trouver des paroles de consolationa, pour te les dire, mon cher amour, mais je ne sais que t’aimer, t’aimer et toujours t’aimer. D’ailleurs, que te dire à toi qui sais le fond de tout ? Il n’y a que Dieu qui puisse te donner les suprêmes consolations. Moi je ne puis que souffrir avec toi et t’aimer par-dessus toute chose. C’est ce que je fais, mon doux aimé, en priant Dieu de t’épargner ce nouveau deuil.
Si tu pouvais venir tout à l’heure, mon Toto chéri, cela me tranquilliserait pour le reste de la journée, tandis que si je ne te vois pas, je serai la plus tourmentée et la plus malheureuse des femmes.
Je vais me dépêcher de faire ton eau pour que tu puisses te bassiner les yeux dans de l’eau nouvelle [2]. Les miens sont toujours à peu près dans le même état mais cela ne m’inquiète pas, je voudrais qu’ils fussent sérieusement malades et que tu ne sois pas triste.
Pense à moi, mon Toto, pense à tes chers enfants, sois courageux et résigné, mon Victor bien aimé, pour tous ceux dont tu es la vie et la joie. Je t’en supplie à genoux, mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 245-246
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « consation ».


13 octobre [1844], dimanche après-midi

Je profite du moment où je suis encore seule, mon cher bien-aimé, pour me plaindre à toi de toi-même. Comment, mon Toto chéri, me sachant tourmentée comme je le suis, tu n’as pas pu trouver un seul petit moment pour venir me rassurer ? Pauvre amour, si ce n’est pas ta faute, si tu m’aimes, et si tu me plains, je n’ai pas le droit de te faire des reproches, au contraire, c’est à moi à te faire des excuses, à te plaindre et à t’aimer. Pauvre cher ange, quand je pense qu’à ton travail si opiniâtre il se mêle d’affreuses craintes et de douloureuses préoccupationsa [3], je me sens saisie de pitié, de tendresse et d’adoration. Et, loin de songer à moi, je m’oublie pour ne plus faire qu’un avec toi, pour prendre ma part de ta tristesse, et plus encore si Dieu le permettait.
Cher cher bien-aimé, ne t’occupe pas de moi si ce n’est pour te dire que je t’adore et que je t’attends avec courage et avec patience. Dis-toi que mon cœur est un trésor inépuisable d’amour et de dévouement. Dis-toi tout cela, mon cher bien-aimé, comme si tu voyais dans mon cœur, comme si tu étais le bon Dieu et sois, sinonb consolé, du moins résigné.
Je baise tes pieds, je baise tes mains, je baise tes lèvres, tes yeux, ton front. Je voudrais m’approcher encore plus près de ton âme. Mon Victor adoré, mon beau, mon ravissant Victor, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 247-248
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « préocupations »
b) « si non ».

Notes

[1Hugo se fait du souci pour un ami malade.

[2Hugo venait soigner ses problèmes ophtalmiques chez Juliette Drouet qui lui préparait ses bains d’yeux.

[3Hugo se fait du souci pour un ami malade.

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