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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 août [1844], dimanche matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour mon petit Toto chéri, bonjour tout ce que j’aime le plus au monde, bonjour. Ne vaa pas croire que je me lève seulement à présent. J’ai déjà fait mes trente-six tours, et dès que j’aurai fini mon petit gribouillis, je me débarbouillerai et je m’habillerai. Clairette est partie chez son fameux médecin avec la mère Lanvin ; en même temps, elles ont dû passer voir l’appartement en question. Mais, quelle queb soit leur opinion, je ne m’en rapporterai toujours qu’à la tienne.
Voilà un temps assez favorable pour voir un rez-de-chaussée et un jardin. Si tu viens dans la journée et que tu aies un moment à toi, je te prierai bien d’aller le voir ce célèbre rez-de-chaussée parce qu’alors je n’y penserai plus ou je me livrerai à l’espoir de l’habiter un jour. Mais, enfin, j’en aurais le cœur net d’une façon ou d’une autre. Cette chambre est mon souci à moi.
J’ai déjà regardé ma turquoise deux fois depuis ce matin. Depuis que le souvenir de Pécopin [1] s’y rattache, c’est à dire le tien, cette pierre m’est devenue on ne peut pas plus précieuse. Voillà comme je suis, moi, c’est ma vollonté. Baisez-moi, cher petit Pécopin, et prenez garde à ne plus rajeunir ou vous aurez affaire à moi. Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous aime de toute mon âme. Dépêchez-vous de venir et vous me rendrez la plus heureuse des femmes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 93-94
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « vas ».
b) « quelque ».


25 août [1844], dimanche après-midi, 4 h. ¼

Mon Victor adoré, je t’attends avec toute la force et avec toute l’impatience d’un amour qui n’a pas trouvé d’issue depuis minuit, moment auquel tu m’as quittée. Je te désire, je t’attends, je t’attends. Parais, je t’attends et Clairette aussi qui se mêle de vous désirer et de vous attendre avec impatience ; mais la grande scélérate n’est pas aussi désintéressée que moi car elle est dans un paroxysmea d’enthousiasme et de désirb que toi seul peuxc calmer. Voilà le fait : – le rez-de-chaussée est un paradis, il n’y a pas de GROS MUR mais une simple cloison en planches sans plâtre d’aucun côté. Le propriétaire ferait peut-être une diminution sur le loyer et tous les arrangements qu’on voudrait, à la condition d’avoir des gens tranquilles et qui ne dépareillent pas sa maison. Le jardin peut devenir un jardin ravissant en fleurs et en fruits de toutes sortes, d’après l’avis de Mme Lanvin qui doit s’y connaître puisqu’elle en a eu pendant longtemps. Tout est parfait et peut devenir ravissant. Ma chambre surtout. Aucune humidité. Le rez-de-chaussée étant exhaussé de quatre marches de tous les côtés. Mme Lanvin a pris sur elle, voyant les lieux si bien appropriés à mon besoin et à ma santé, de dire à la portière qu’on ne fasse rien de décisif avec personne avant mercredi, espérant que d’ici là tu auras eu le temps de le voir et de décider s’il te convient. Claire est comme une folle depuis tantôt : ô, j’aime bien M. Toto, mais je l’aimerais dix mille millions de fois plus encore s’il te met dans ce ravissant petit jardind. Dieu qu’il est joli ! Dieu que tu y seras bien, etc, etc. Voilà depuis midi ce que je m’entends corner aux oreilles. Moi je t’attends avec impatience mais je n’ai pas besoin de ce motif-là. Tous les jours c’est la même chose et je [illis.] appartements, tous les jardins, tous les fruits et toutes les fleurs du monde entier pour un baiser de toi. Tu le sais bien, n’est-ce pas ?

BnF, Mss, NAF 16356, f. 95-96
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « paroxisme ».
b) « désire ».
c) « peut ».
d) Tandis que la plupart des lignes sont soulignées d’un trait, certains mots sont doublement accentués en étant soulignés un à un. C’est le cas du début « ô, j’aime bien M. Toto » et de « mille millions de fois plus ».

Notes

[1Allusion à la Légende du beau Pécopin et de la belle Bauldour, vingt-et-unième lettre du Rhin.

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