11 avril [1849], mercredi matin, 11 h.
Je suis impatiente de connaître vos exploits de cette nuit, mon amour, pour savoir comment me coiffer et quelle figure faire. Aussi je vous attends encore plus que d’habitude et avec toutes sortes de POLÉMA dans les yeux et dans l’esprit. J’ai beau faire la brave, je ne suis pas tranquille et mon courage n’est au fond qu’une venette [1] mal déguisée. J’ai besoin pour me rassurer de vous voir et d’entendre de vous le récit sincère de tout ce que vous avez pensé, senti, dit et fait dans ce bastringue de gueules enfarinéesa. En attendant je m’amuse tout doucement à avoir aujourd’hui…… ans [2]. Choisissez un anniversaire rétrospectif à votre choix et souvenez-vous des exemples récents de Justine Pilloyb et de Perpétue Martel [3]. Quant à moi je n’y tiens pas ; pourvu que j’aie l’âge de vous plaire c’est tout ce qu’il me faut. Mon cher petit homme, je vous aime de toutes mes forces, je vous admire de toute mon âme et je vis par votre amour. Hors de là, tout m’est indifférent, même la République, si elle ne doit pas compromettre votre bonheur et votre vie. Et à ce sujet je te supplie, mon cher petit Toto, d’être très prudent et de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter cet affreux choléra qui semble prendre goûtc à l’Assemblée Nationale et à son auguste famille [4]. Il me semble aussi que votre H a dû se présenter plus d’une fois depuis celle où j’ai fait queue pour vous voir dans votre majesté de représentant [5]. Tâchez donc d’être de bonne foi et de ne pas abuser de mes distractions pour m’escamoter mon H et de me l’apporter à son tour et plus vite que ça. En attendant, je me fais l’effet d’une Juju vexée et j’en ai toute la belle humeur. Venez-y voir plutôt.
BnF, Mss, NAF 16367, f. 93-94
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
a) « enfarinés ».
b) « Pilloi »
c) « prendre à goût à ».