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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er avril 1849

1er avril [1849], dimanche soir, 8 h. ½

Je suis en retard avec moi-même aujourd’hui, mon cher amour, cela ne m’arrive pas souvent pour une bonne raison, c’est que j’en suis la plus et la seule vexée. Aussi je me dépêche de rattraper le temps perdu et je ne me coucherai pas, que je ne me sois gribouillé mes deux machines. Cher petit homme, tu as été bien bon et bien complaisant, tantôt, et je t’en remercie du fond du cœur mais il était important que mon inexpérience épistolaire ne puisse pas donner prise à la rouerie de cette espèce de Robert Macaire [1] auquel j’étais forcée de répondre. Je t’ai dit que j’avais eu la pensée de te cacher cette stupide et hideuse lettre tantôt, non pas pour te la cacher dans le sens absolu du mot, mais pour t’empêcher d’en tirer des conséquences douloureuses, pour mon bonheur redoublant de précautions et en t’abstenant de venir me voir, ce que tu fais déjà beaucoup trop rarement. Mon premier mouvement a été de ne te rien dire, j’en conviens, mais le second de te tout confier car je reconnais qu’avant toute chose, même mon bonheur, il faut que tu saches tout ce qui m’arrive, du reste je crois qu’il faut se tenir sur ses gardes sans attacher toutefois trop d’importance à ces misérables clabauderies de bas étage. Tu sais d’ailleurs mieux que moi quelle conduite il faut que nous tenions. Moi je ne sais que t’aimer, souffrir de ton absence et me réjouir quand je te vois, le reste ne me regarde pas.

Juliette

MVHP, MS a8174
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine


1er avril [1849], dimanche soir, 9 h.

Je n’espère pas te voir, mon petit homme, car c’est aujourd’hui que tu reçois plus particulièrement encore que les autres jours. Demain je ne te verrai peut-être pas non plus. Ça n’est que trop probable d’après ce que tu m’as dit. Cependant je ne veux pas me décourager d’avance en désespérant. J’aime mieux croire, au contraire, qu’à force de désir et d’amour, tu viendras demain matin et encore demain soir. J’ai promis à Eugénie de la conduire demain chez Mme Sauvageot pour divers achats de linge qu’elle veut faire. Elle sera chez moi de 2 à 3 h. Dans le cas où je serais revenue plus tôt et où tu ne serais pas encore parti à l’Assemblée, cela ne m’empêcherait pas de t’accompagner, au contraire. Ainsi viens si tu peux avant mon départ ou après mon retour. À quelque heure que tu viennes tu seras toujours le très adoré venu et le bien aimé désiré. D’ici là je vais bien penser à toi. Tâche de ton côté d’en faire un peu autant pour que le temps me paraisse moins long et moins triste. Et puis je te baise de toutes mes forces et de toute mon âme et je te sourisa le mieux que je peux. Bonsoir, adoré, dors bien. Moi je vais rêver de toi.

Juliette

MVHPMSa8175
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

a) « souri ».

Notes

[1Héros de deux mélodrames, L’Auberge des Adrets (1823) et Robert Macaire (1834), devenu par antonomase une figure populaire d’escroc, de traître, d’affairiste véreux. On ne sait à quel correspondant Juliette Drouet applique cette épithète, ni de quelle malhonnêteté elle l’accuse.

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