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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 janvier [1849], dimanche matin, 8 h. ½

Bonjour, mon doux et bien adoré Toto, bonjour, je t’aime, je te baise, je te souris et je te gribouille toutes sortes de tendresses en même temps. Comment s’est passée ta soirée ? Tu n’as pas eu froid ? À quelle heure es-tu rentré ? Cher bien-aimé, dors et rêve de moi. Pendant ce temps-là, je t’aime et je m’occupe de toi.
Je voudrais qu’il fût déjà l’heure de te voir pour n’avoir plus qu’à espérer. Maintenant je ne suis que trop sûre que tu ne peux pas venir, aussi je n’ai de cœur à rien. Dès que j’approcherai du moment où tu dois venir, je me reprendrai d’un goût plus vif pour les choses de la vie [là tout  ?] et d’arriver là sans trop d’impatience. Je n’ai pas encore pris mon parti sur mes quinze francs et je sais encore moins où je les prendrai eux-mêmes, ces susdits quinze francs. À moins que les fonds ne remontent de beaucoup, je ne vois pas comment je m’en tirerai et la hideuse banqueroute est imminente absolument comme pour l’État. Encore si je pouvais opérer quelque bon licenciement pour me remettre à flots, mais c’est que je n’en vois pas du tout la possibilité. C’est là le plus embarrassant. Ma foi, j’y renonce. Tant pire pour ceux qui auront eu l’imprudence de placer leur grenouille chez moi. À l’impossible nul n’est tenu, on ne peut pas peigner une Juju qui n’a pas de cheveu ni tirer de l’huile d’un représentant mais on peut faire un trou dans la lune et s’éclipser avec la grenouille des autres, ça s’est vu. En attendant je suis avec les sentiments les plus honnêtes et votre très humble et très [raffalée ? ] Juju

MVH, a8144(2)
Transcription de Florence Naugrette


7 janvier, dimanche, midi ½

Tu n’as plus d’ouvriers, c’est aujourd’hui dimanche, il fait beau, je t’aime et je t’attends. Est-ce que ce ne sont pas là des raisons suffisantes pour te décider à venir de bonne heure ? Quant à moi je ne sais plus quoi invoquer et sur quel saint compter depuis le temps que j’espère et que je désespère en tout et de tout. Tu penses que mon intention n’est pas de grogner, bien au contraire. Je t’aime avec trop d’abnégation pour faire prévaloir ma tristesse et mon découragement. Je veux te sourire, mon doux bien-aimé, car je sais tout ce que tu as à faire et combien ta vie est tiraillée de tous les côtés par les devoirs, par les admirations et par les adorations de toutes sortes et de tout le monde. Quand tu viendras à quelque heure que ce soit, je veux te montrer un visage calme et heureux. Je mets mon honneur à ne pas te tourmenter et mon bonheur dans ta tranquillité. Dans ce moment-ci je te cherche dans tous les coins de ton appartement. Je regarde par la fenêtre de ta chambre. Je t’appelle. Je vais et je viens dans ce splendide logis, espérant te découvrir quelque part et ne plus te quitter. Malheureusement ma seconde vue ne vaut pas mieux que ma première et je ne vois rien du tout eta ma pauvre âme est plus seule que jamais.

MVH, a8145
Transcription de Florence Naugrette

a) « est ».

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