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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 décembre [1848], vendredi matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, sur les yeux, sur les lèvres et partout, bonjour. Je viens d’allumer mon feu et je vous assure que, malgré le soleil, ce n’est pas du luxe. Quant à vous je devine que vous vous ronronnez dans votre lit et je vous approuve. Moi qui n’ai pas les mêmes motifs de rester dans mon lit je me lève de bonne heure pour avoir plus de temps pour faire mes quinze tours. D’ailleurs depuis que vous ne venez plus déjeuner avec moi j’ai pris le lit en horreur et je n’y reste juste que le temps légal pour le repos. J’ai vu hier M. Vilain, il venait dans l’espoir de faire le portrait de Louis N. par ta protection du moins, c’est ce que j’ai cru deviner [1]. Je l’ai désillusionnéa à cet endroit en lui disant que tu n’avais aucune relation intime avec le prince, ce que voyant il a pris la résolution de partir aujourd’hui pour Rouen, non sans me charger pour toi d’une foule de compliments, de respect et d’admiration que je crois très sincères. Je voudrais pouvoir en dire autant de votre amour. Je ne sais pas pourquoi je suis toute jalouse et toute soupçonneuse ce matin. Cependant je n’ai aucune raison apparente d’être ainsi. Je n’ai donc pas le droit de grogner et de vous ennuyer de mes pensées biscornues. Je n’ai que celui de vous aimer à mort et j’en use.

Juliette

MVH, 8131
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « désillusionner ».


22 décembre [1848], vendredi midi

Je vous attends de pied ferme mon cher petit Chinois, tâchez que je ne vous attende pas bêtement jusqu’à trois ou quatre heures. Car avec votre manie de me faire apprêter de bonne heure, vous me faites perdre un temps énorme et que je pourrais employer à raccommoder vos chemises, et surtout vous redoubler l’ennui et la longueur de votre absence par mon impatience. Si c’était une fois par hasard j’aurais mauvaise grâce à m’en plaindre mais c’est de parti pris depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre. Mon Dieu que je suis aimable aujourd’hui ! Ce matin j’étais toute mouzon, à présent je suis plus que maussade. Décidément le froid ne me va pas. J’aimerais mieux le ciel de la Provence et la barque de [M. Bay  ?] avec les îles Sainte-Marguerite à l’horizon, même en pêchant des poissons morts et en vous laissant faire la cour à Rosa. Voime, voime scélérat partout où vous êtes il faut que vous me chaumontelisiez [2], c’est triste à penser mais c’est la vérité. Je devrais en prendre mon parti, mais quelque effort que je fasse, il m’est impossible d’arriver à cette héroïque indifférence. Décidément j’aime mieux vous tuer, c’est beaucoup plus facile et je n’aurai pas la peine de recommencer. Baisez-moi monstre d’homme, à fer et à clousa [3].

MVH, 8132
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « cloux ».

Notes

[1À notre connaissance, Victor Vilain ne réalisera pas cette œuvre.

[2Voir Chaumontel.

[3Fermement, intensément.

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