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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er octobre [1848], dimanche matin, 9 h.

Bonjour, mon trop bien aimé, bonjour, comment vas-tua ? Comment m’aimes-tu ? Je donnerais une bonne prime à celui ou à celle qui pourrait me donner tout de suite et avec connaissance de cause une réponse satisfaisante. Tu as dû dîner hier avec tes gamins ? Mais après que s’est-il passé ? Qu’est-ce que tu as fait ? Voilà la question. Sans parler de la séance d’hier dont je n’ai aucune nouvelle et qui a peut-être été intéressante, il faut que j’attende à tantôt pour savoir cela au risque d’en crever d’impatience. Mon doux bien-aimé, je ne veux pas t’ennuyer de mon ennui, pour cela il faut que je ne te parle pas de toi ni de ce qui est difficile, à moins de te parler de la planète Le Verrier [1] laquelle n’existe pas. Je ne connais pas d’autres sujets de conversation en dehors de mes moyens. Il est vrai que nous n’avons rien à nous apprendre là-dessus et que nous sommes d’égale force sur la planète NEPTUNE, aussi je ne vois pas ce que nous gagnerions tous les deux en insistant sur ce point. Quant à moi j’y renonce et je m’en rapporte à ton cadran solaire pour régler mon admiration et [mes sentiments  ?] avec lesquels je n’ai pas l’honneur d’être ta vieille Juju.

BnF, Mss, NAF 16366, f. 331-332
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « comment va-tu ? ».


1er octobre [1848], dimanche soir, 10 h.

Je ne veux pas me coucher avant de t’avoir dit bonsoir, mon cher petit bien-aimé. Je veux te donner mon cœur et ma pensée avant de m’endormir. Besogne déjà faite et que je recommence à tous les instants de ma vie, moins par générosité que pour me faire plaisir à moi-même. Je ne te savais pas si près de moi tantôt, mon petit homme, car sans cela je ne me serais pas tant tourmentée de savoir si tu viendrais. Au besoin même je serais allée rôder par là et j’aurais demandé à voir l’appartement comme c’est mon droit puisqu’il est à louer. Décidément j’ai manqué mon coup. Mais aussi qu’est-ce qui pouvait se douter que vous auriez le cœur de passer si près de moi sans entrer ? Je vous avoue que je ne l’aurais pas cru et que cette nouvelle désillusion ne laisse pas que de m’être plus que désagréable. Je ne veux pas te grogner parce que mes rêves s’en ressentiraient cette nuit mais vrai tu n’es pas gentil de n’être pas venu me baiser avant d’aller dans ton ex chez toi [2]. Maintenant si ce n’est pas ta faute et si tu m’aimes je te pardonne. Baise-moi, mon adoré bien-aimé, pense à moi et sois-moi bien fidèle, je t’adore. Je ne te parle plus culotte car je vois bien que c’est un parti pris de ne pas m’en donner mais je proteste contre ce nouvel abus de confiance et je redemande MON ARGENT.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 333-334
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Urbain Le Verrier avait découvert la planète Neptune. Sa découverte avait été confirmée par l’astronome allemand Galle le 23 septembre 1846. Il avait été question un temps de donner à cette planète le nom de Le Verrier.

[2Avant de s’installer rue de l’Isly, la famille Hugo vivait au n°6 de la place Royale, au second étage de l’Hôtel de Rohan-Guéméné.

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