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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 mai 1848

25 mai [1848], jeudi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon adoré bien-aimé, bonjour et mille baisers avec. Je t’ai attendu jusqu’à minuit et je n’ai pas voulu qu’on fermât les verrous dans l’espoir fantastique que tu pourrais venir encore. Cher adoré, je ne me plains pas mais tu remarqueras que c’est toujours à mon tour de rester en pénitence comme une pauvre écolière qui ne sait pas sa leçon. Cependant je la sais très bien, ma leçon, car je vous aime par cœur et sur le bout de mes lèvres mieux que personne au monde. Injuste que vous êtes : cela ne vous empêche pas de me planter là et de préférer toute chose et tout le monde à moi. J’espérais que Petit-Bourg [1] m’aurait valu quelque bonne rabibochade mais je vois que je ne dois compter sur rien si ce n’est sur les déceptions qui tombent drua comme grêle sur ma pauvre vie et qui me la font trouver diantrement insupportable. Il est vrai que par compensation je dois te faire le même effet. Pauvre bien-aimé, je te demande pardon de te montrer tous les nuages qui passent dans mon esprit. Je ne devrais songer qu’à ton adorable lettre et ne m’en rapporter qu’à elle sur ce que je dois penser et croire de ton amour et puis te baiser et espérer en la culotte.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 199-200
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « drues ».


25 mai [1848], jeudi après-midi, 1 h.

Ma chère petite hirondelle, vous récompensez bien mal mon dévouement puisque vous ne m’avez pas encore apporté depuis le moment où je vous ai délivrée, un seul pauvre petit baiser de mon Toto. Vous êtes une ingrate comme le pourrait être la première femelle venue. Une autre fois je vous laisserai dans votre prison et je garderai mes deux sous pour m’acheter des curiosités. En attendant je suis volée et vous êtes envolée, ce qui constitue une rime riche peut-être mais très pauvre satisfaction. Taisez-vous.
Que fais-tu, mon Toto, est-ce que tu ne viendras pas tout à l’heure ? J’espère que tu voudras bien que je t’accompagne à l’Institut. Ce sera toujours un petit bout de chemin heureux que je ferai et ils sont assez rares pour ne pas me les supprimer quand ils se rencontrent dans ma vie. À force de t’attendre je deviens imbécilea. Toute ma pensée se vide dans mon âme de sorte que je suis comme un corps sans tête, je ne sais plus ce que je dis et je ne peux plus penser. Je t’aime trop, c’est ridicule, je le sens bien, mais je ne peux l’empêcher.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 201-202
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « imbécille ».

Notes

[1La « Société de Petit-Bourg » est une œuvre philanthropique en faveur des enfants pauvres et des jeunes délinquants. Victor Hugo en deviendra le président le 28 mai 1848.

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