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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 avril 1846

10 avril [1846], vendredi matin, 4 h. ¾

Bonjour mon cher petit homme, bonjour mon Toto chéri, bonjour mon cher amour, bonjour je te baise de la pensée et du cœur, en attendant que je puisse le faire des lèvres, des yeux et de l’âme. Tu as joliment bien fait de revenir cette nuit. Il faut toujours revenir n’importe à quelle heure. L’essentiel pour moi c’est de te voir et de savoir que tu vas bien et que tu m’aimes. À quelque heure du jour ou de la nuit que cette preuve m’arrive, elle est la bienvenue et je la bénis.
Combien je regrette de n’avoir pas pu assister à Hernani hier. Quelle joie pour moi d’entendre tous ces applaudissements si intelligents, si naïfs et si abondants. J’aurais bien donné deux sous à M. Mélingue pour cela. Mais ces bonnes occasions là se font rares pour moi : c’est à grand peine si j’attrape par-ci par-là une pauvre petite représentation tous les deux ou trois ans. Ce n’est cependant pas faute de m’inscrire au bureau de location. Cette fois encore je retiens d’avance ma place pour la plus prochaine représentation d’une de vos pièces. N’importe laquelle, je ne choisis pas. On n’est pas plus accommodante, j’espère, et ce n’est pas de ma faute si je ne suis pas mieux servie. Prenez garde qu’à certain exemple fameux je ne porte mon ARGENT et ma PRATIQUE au GYMNASE DRAMATIQUE [1]. Eh ! Mais c’est que je le ferais comme je le dis. Qui est-cea qui serait ATTRAPÉ ?.....

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 361-362
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « Qu’est-ce ».


10 avril [1846], vendredi soir, 8 h. ½

Je t’écris après m’être déshabillée, mon bien-aimé, et après avoir dîné parce que Suzanne me pressait à cause de son honneur de cordon bleu et surtout à cause de son estomac. Je suis allée chez Joséphine, comme tu sais. Elle était chez elle. Ne connaissant pas d’hôtel garni, elle est venue avec moi et chemin faisant rue Saint-Louis, elle a demandé des renseignements. Voilà tout ce qu’il y a en ce genre dans ce quartier-ci. C’est rue Ménilmontant, une personne qui tient seulement le premier étage meublé, une chambre très bien, 35 F. par mois, 18 F. pour la quinzaine le service compris. De plus cette brave femme fait de la fricassée qui paraît excellente, autant que j’ai pu en juger. La seule difficulté était qu’elle ne voulait pas louer à condition et voulait que ce fût tout de suite. Du reste, disant qu’il serait possible que sa chambre fût encore vacante lundi mais qu’il pourrait se faire aussi qu’elle fût louée ce soir. Je n’ai rien conclu avec elle, voulant avant tout te consulter. Et puis j’ai pensé que je pourrais très bien donnerª les deux adresses au fils Kraft, lequel verrait ce qui convient le mieux à sa mère [2] et arrêterait lui-même la chambre. Ce qui vaudrait infiniment mieux en tout état de chose. J’ai pensé avec le célèbre Richi que nous n’avons pas besoin de perdre vingt ou vingt-deux francs et qui plus est risquer de nous compromettre, ce qui est bien autrement grave encore. Tu me diras ce soir si j’ai bien fait. Et puis tu m’embrasseras, et puis tu me pardonneras les ennuis que je te donne par ricochets et puis tu me souriras parce que je suis bien triste d’être revenue seule de chez Mlle Féau et puis tu m’aimeras parce que je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 363-364
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « donné ».

Notes

[1Juliette se compare à Scribe, qui, à partir de fin décembre 1820, était passé du Vaudeville et des Variétés au Gymnase dramatique, lui apportant une clientèle nombreuse.

[2Laure Krafft, amie de Juliette Drouet, a eu deux enfants hors-mariage dans sa jeunesse, puis s’est mariée avec Jean Luthereau, et vit avec lui à Bruxelles. Elle projette une visite à Paris pour une affaire délicate dont on ignore la nature exacte. Juliette veut lui venir en aide sans risquer sa réputation. Elle lui cherche donc un logement pour éviter de l’héberger.

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