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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 avril 1846

8 avril [1846], mercredi matin, 9 h. ½

Bonjour mon petit Toto adoré, bonjour mon bien-aimé, bonjour sur ta bouche, sur tes yeux et dans ton cœur. Bonjour dans toute l’acception du mot et avec tout ce que je peux y ajouter de tendres souhaits. Bonjour mon cher amour. Je commence à me retrouver un peu. Hier j’étais perdue dans le mal de tête et dans l’abrutissement complet. Aujourd’hui je me sens moins lourde et moins migraineuse et je pense que j’en serai tout à fait quitte ce soir. Ce serait le moment de venir auprès de moi puisque je serai peut-être un peu moins ennuyeusea que lorsque j’ai ces affreux maux de tête et puis parce que je profiterai mieux encore du bonheur de te voir. Nous verrons si vous tiendrez compte de ma réclamation et si vous viendrez de bonne heure ce soir. Tu iras sans doute à la Chambre tantôt ? S’il fait beau voudras-tu que je t’accompagne jusque là et que j’aille t’attendre rue du Sabot ? Je te fais cette demande sans y compter beaucoup et j’en prends d’avance mon parti en me disant tout ce qui peut t’empêcher de me donner cette joie. Aussi, si tu me refuses, je ne ferai que regretter le moment que j’aurais pu passer avec toi mais je ne serai pas fâchée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 353-354
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « ennuieuse ».


8 avril [1846], mercredi soir, 6 h. 

Sous prétexte d’aller travailler, vous m’avez quittée de très bonne heure mon vieux chinois, c’est une manière honnête de me planter là sans exposer vos beaux yeux à ma juste et légitime indignation. Cependant, ne vous y fiez pas, car je suis femme à sortir de ma bonasse crédulité et à vous griffer malgré la bonne cuirasse dont vous vous protégez : – Je travaille. Je vous travailleraia vos chères petites côtelettesb afin de vous rendre plus tendre et meilleur si c’est possible. Pour commencer je vais déjà faire votre ceinture pour les préparer petit à petit par une douce chaleur à recevoir mes autres petits moyens plus énergiques. Si j’avais su que la séance soit remise à mardi et si tu n’avais pas dû aller à l’Académie ce jour là j’aurais gardé les billets. Je n’aurais jamais cru qu’il fût si difficile d’emmancher une chose aussi simple que celle d’assister, MOI, à une séance de la Chambre des Pairs à laquelle vous assisteriez vous aussi de votre côté. Il est vrai que dès qu’il s’agit de moi les choses les plus ordinaires se compliquent et finissent même quelquefois par devenir impossibles. Charmant privilège attaché à ma personne et dont je jouis médiocrement surtout lorsqu’il s’agit de vous voir et de voir jouer vos pièces.
Je n’avais pas la moindre envie de grogner en commençant mais l’appétit vient en griffouillant, ce qui fait qu’en finissant ma lettre je suis d’une humeur de dogue en pensant à demain [1] et à mardi. Baisez-moi, plaignez-moi et aimez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 355-356
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « travaillerez ».
b) « cotellettes ».

Notes

[1On joue Hernani à la Comédie-Française le lendemain soir, mais Juliette Drouet n’est pas conviée.

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