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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 mai 1848

15 mai [1848], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon aimé, bonjour toi, bonjour, vous, bonjour et amour de plus en plus, je t’adore. Dites donc est-ce que vous croyez que la petite lichette toute trempée de pluie que vous m’avez donnée hier au soir compte ? Merci il m’en faudra bien d’autres pour mes trois francs... que vous me donnerez de votre plein gré et de votre belle générosité. Je ne vous y forcerai pas car je suis trop sûre de votre bon cœur. Je veux vous laisser tout le mérite, toute la gloire et toute la douceur de votre bonne action. C’est bien le moins mon Dieu, grand Dieu.
J’ai bien regretté hier que la pluie ait attardé chez moi ce pauvre Vilain car j’aurais pu te voir plus longtemps et surtout plus à mon aise si j’avais été seule. Ce pauvre garçon ne se doute pas du tout [de] ce qu’il m’a coûté hier. Je ne lui en veux pas mais vraiment je le regrette et je le regretterai de plus en plus. Je sais trop que le bonheur perdu ne se retrouve pas. Aussi je suis très chiche et très rapace pour tout ce qui y ressemble. Maintenant quand te verrai-je ? Tu ne le sais pas toi-même pourvu que ce ne soit pas trop tard et trop peu, je ne me plaindrai pas. En attendant, j’attends. Occupation assez fastidieuse. J’aimerais mieux vous baiser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 187-188
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette


15 mai [1848], lundi après-midi, 2 h.

Si la pensée avait une forme visible, mon petit bien-aimé, vous me verriez souvent, pour ne pas dire toujours, à vos côtés ; et Dieu sait quel plaisir cela vous ferait surtout dans les tête-à-tête avec les diverses Clara plus ou moins Duchatel que vous protégez, que vous patronnez et que vous entretenez. Dieu sait quelle FLORE s’épanouirait sur votre charmant museau, quelle variété de girofléea à cinq feuilles s’étalerait sur votre nez d’académicien si la pensée, au lieu d’être une chose impalpable, incolore et inodore était une Juju en chair et en os.
Profitez de vos avantages jusqu’à ce que je trouve un jour ma belle, c’est-à-dire la vôtre, et que je ne vous fasse payer en une seule fois toutes vos trahisons passées, présentes et futures. Je ne vous prends pas en traître mais tâchez que je vous prenne pas du tout car [vous] passerez un mauvais quart d’heure. Je m’aperçois un peu tard que j’écris dans le même style qu’ALPHONSE de gribouillante mémoire. Heureusement que vous possédez la science de feu le sphinx et que vous débrouillerez très bien ma vraie pensée à travers tous les fouillis de stupidité dont elle est couverte. D’ailleurs c’est bien clair. Je vous ficherai des giffes et je vous tuerai la première fois que je vous trouverai en flagrant délit d’infidélité n’importe avec qui. Maintenant tenez-vous pour averti et ne vous laissez pas surprendre si vous pouvez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 189-190
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « girofflée ».

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