Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1846 > Mars > 17

17 mars 1846

17 mars [1846], mardi, matin

Bonjour mon petit homme adoré, bonjour mon Victor chéri, bonjour mon cher amour. Comment vas-tu ? Comment va ma pauvre Cocotte ? J’espère que tu viendras me donner de ses nouvelles de bonne heure. Cher petit homme taquin, vous êtes très capable au contraire de me laisser ignorer le bulletin de la nuit de cette infortunée Cocotte, tandis que je compte sur lui pour en savoir des vôtres, nouvelles. Cette phrase n’est pas très clairea et a besoin que je l’explique. Je veux dire qu’à la faveur de l’installation de Cocotte j’espérais vous voir plus tôt ce matin. Pauvre bien-aimé je ris avec toi parce que je sais que cela te plaît mieux que mes grogneries quoique au fond cela veuille dire toujours la même chose : le désir et le besoin de te voir.
Il est probable que tu parleras aujourd’hui et j’aurai le chagrin de n’y pas être. Avec cette parcimonie de billets, il n’y a pas chance jamais que je t’entende parler à la tribune. C’est bien triste. Si je ne craignais pas de te paraître importune et insupportable, je te supplierais de faire tous tes efforts pour me donner cette joie. Mais ma confiance s’en va tous les jours et je n’ose pas demander maintenant, même avec prière, ce que tu m’aurais offert autrefois de toi-même. Je me contenterai d’assister à une séance où tu seras, ce sera toujours du bonheur plein mes yeux et plein mon cœur, la chose en vaut la peine. D’ici là il faut que je rassemble toute ma patience et toute ma résignation afin de ne pas me laisser déborder par le regret et par l’impatience. Pourvu que tu viennes tout à l’heure ou au moins avant d’aller à la Chambre ? J’ai déjà peur de ne te voir que ce soir. Ma vie se passe dans ces transes continuelles, mon cœur est au régime d’un bain russe permanent ; je passe sans transition de l’extrême chaud à l’extrême froid, du bonheur de te voir au regret de te quitter. Seulement la balance n’est pas égale. Je suis trop longtemps exposée au froid.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 273-274
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « clair ».


17 mars [1846], mardi après-midi, 4 h. ½ 

Je suis restée sur l’impression désagréable de ton entrée, mon cher petit homme, ce qui fait que je n’ai pas la moindre envie de rire, au contraire. Je ne suis pas maîtresse de l’effet que me produit la moindre trace de mécontentement sur ton beau et noble visage. J’attends ton retour pour reprendre un peu de gaieté, malheureusement ce ne sera pas de si tôt car il est probable que tu viendras horriblement tard et rien qu’une minute. Quoi qu’il en soit je serai très heureuse le moment où je te verrai, je le sens d’avance.
Louise [1] était venue en passant dans l’espoir de m’emmener dîner chez elle. Elle a été très désappointée quand elle a vu que cela ne se pouvait pas. Du reste il n’est pas probable que j’use de ton fameux billet [2] vendredi. Elles me diront cela jeudi en venant chez leur tante Joséphine. Je te le rendrai dans ce cas-là parce que je n’ai pas d’autre personne qu’elles avec qui je voudrais y aller. Je te l’avais demandé tout d’abord pour avoir un prétexte de sortie mais j’y suppléerai en allant voir ma fille jeudi. Voilà, mon petit bien-aimé, les machinations que je projette pour ma mi-carême, qu’en dis-tu ? Je voudrais bien savoir si tu as parlé ou si tu parles en ce moment ou si tu parleras tout à l’heure, sinon pour écouter, du moins pour admirer de confiance. Je voudrais être déjà à ce soir pour le savoir et puis encore pour te baiser depuis un bout jusqu’à l’autre. En attendant je ronge mon Refrain pour ne pas t’ennuyerª outre mesure et je suis ta très impatiente et très amoureuse Juju.

BnF, Mss, NAF 16362, f. 275-276
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « ennuier ».

Notes

[1Louise Rivière.

[2Peut-être est-ce un billet pour Hernani.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne