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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 février [1846], dimanche matin, 9 h. ¾

Bonjour toi, bonjour vous, bonjour mon soleil, bonjour mon éblouissant petit Toto, bonjour je vous adore. J’ai rêvé de vous cette nuit mais contre mon habitude, mes rêves ont été charmants, aussi j’ai bien regretté de m’être réveillée. On devrait pouvoir dormir et surtout faire de bons rêves à volonté.
Comment as-tu passé la nuit, toi mon ravissant petit homme ? Comment va ton gros Charlot ce matin [1] ? Ma pensée va à vous tous cherchant à deviner tout ce qui se passe en vous et autour de vous. Il est clair que si j’étais un Sylphe ou tout autre être aussi impalpable, je commettrais de fameuses indiscrétions et que je serais plus souvent dans la chemise de mon Toto que dans la mienne. Malheureusement, je ne suis rien moins que cela, ce qui fait que je reste bêtement dans mon logis faisant des conjectures sur ceci et sur cela en vous attendant.
Cher petit homme adoré, vous savez que c’est aujourd’hui dimanche gras, c’est-à-dire l’avant-veille d’un célèbre anniversaire [2]. Tâchez qu’il y paraisse dans mon pauvre petit intérieur solitaire en venant me voir plus tôt que d’habitude et en restant plus longtemps. Je vous en prie, je vous en supplie. D’ici là je vais bien penser à vous et bien vous désirer et bien vous aimer et bien vous adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 183-184
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


22 février [1846], dimanche après-midi, 4 h. 

Je t’attends, mon petit Toto chéri, je tâche de faire bonne contenance, mais Dieu sait que c’est aux dépens de mon for intérieur et que je n’ai pas la plus petite envie de rire. Je sais que tu travailles, mon doux aimé, je ne t’en veux pas de m’oublier, seulement j’ai le cœur gros malgré moi. La journée a beau être bien belle, il fait sombre au dedans de moi quand je ne t’ai pas vu. Dabat avait apporté tes souliers tantôt, mais je les lui ai fait remporter parce qu’en les visitant je me suis aperçue qu’il y avait des aspérités qui t’auraient blesséª, tes pauvres petits pieds ou tout au moins déchirés tes chaussettes. Il les rapportera demain matin. Si tu as quelque observation à lui faire faire tu me les diras tantôt. J’espère que ton fils n’est pas malade [3] et que c’est ton travail seul qui te retient loin de moi ? Je ne peux pas m’empêcher de me tourmenter quand l’heure à laquelle j’ai coutume de te voir est passée. Je t’aime mon Victor, cet amour est si exclusif qu’il me semble impossible que tu restes loin de moi, même pour travailler. Aussi je m’inquiète sur cent mille sujets à la fois jusqu’au moment où je te revois, mon Victor.

5 h. ¾

Me voici en tête à tête avec ma vieille Joséphine. Hélas ! J’ai l’infamie d’avouer que j’aimerais mieux que ce fût avec vous et l’indélicatesse de le penser. Mon petit Toto chéri, je t’adore mais je ne te vois pas assez. Je trouve que tu n’y mets pas de bonne volonté et que tu saisis avec trop d’empressement toutes les occasions de t’enfuir comme un voleur que tu es. Taisez-vous, je ne vous crois pas.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 185-186
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « blessés ». 

Notes

[1Charles Hugo se remet d’un indigestion.

[2Le 19 février 1833, pour le mardi-gras, Hugo renonçait à aller à un bal d’artistes où il était invité pour aller passer la soirée avec Juliette Drouet.

[3Charles Hugo se remet d’une indigestion.

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