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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 janvier [1846], mercredi, 10 h. ½

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon cher amour, bonjour comment vas-tu ce matin, comment m’aimes-tu et quand viendras-tu ? Tous les jours en m’éveillant je me pose ces trois questions auxquelles tu ne te charges pas de répondre tout de suite. Pauvre adoré, je sais que tu travailles, mais je sais aussi que tu as dû faire les Rois hier chez toi pendant que j’étais tristement toute seule chez moi. Tu aurais peut-être bien fait de venir, ne fût-ce qu’un moment avant ton dîner, me donner ma part, sinon du gâteau, du moins celle du bonheur que j’ai à te voir et qui devient de jour en jour plus petite. Mais je m’aperçois que je grogne, ce que je veux éviter à tout prix. J’aime mieux te sourire et te porter et répondre à ta fameuse question : A-t-il crié quand il t’a mordu ? [1] Cher petit homme chéri, je vous aime comme le premier jour où je vous ai vu. Rien n’est changé ni affaibli dans mon amour. Je vous trouve toujours aussi beau, aussi jeune, aussi adorable et aussi charmant que la première fois. Vous êtes plus que jamais mon ravissant petit Toto du premier baiser. Quand je me souviens de cela il me semble que c’est hier. Hélas il y a pourtant entre ce premier jour de notre amour et celui où je t’écris ces lignes bien de bonnes et tendres habitudes changées ou oubliées de ton côté. C’est ce qui cause ma tristesse et mon inquiétude et me fait craindre que tu ne m’aimes plus d’amour. Si j’ai tort pardonne-moi et montre-moi que je me suis trompée. En attendant je t’aime à deux genoux et je te prie de faire tout ton possible pour ne pas aller à Coulommiers par ce temps froid, humide et hideux. Chaumontel peut bien attendre jusqu’aux beaux jours puisque j’attends bien toute l’année moi un bonheur qui ne vient jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 19-20
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


7 janvier [1846], mercredi soir, 22 h. 

Prends garde qu’il ne t’arrive rien en revenant de la Chambre mon Toto aimé. Hélas ! je te fais cette recommandation comme si tu pouvais l’entendre, mais c’est une habitude dans laquelle je retombe sans cesse parce que je crois toujours quand je t’écris que c’est à toi que je parle. Le brouillard est déjà si épais que je tremble qu’il ne t’arrive quelque accident ce soir. Je ne serai tranquille que lorsque je t’aurai revu. Hâte-toi de venir me rassurer, mon cher amour, et te chauffer au coin de mon feu. J’espère que vous recevrez aujourd’hui ou demain des nouvelles de ce pauvre Charlot. J’en attends avec impatience pour savoir comment ce cher petit homme se sera tiré de son premier voyage et la réception que lui auront faite tous ces cuistres de province [2]. Je viens de recevoir une lettre de ma péronnelle [3] qui me mande que Mme Marre est très bonne pour elle. En même temps, elle m’envoie ce petit mot de bonne grâce et de remerciements pour Mme Luthereau. J’ai reçu en outre une autre lettre que je crois de Mlle Féau. Je vous attends pour en faire l’ouverture mais ce que j’attends et désire par-dessus tout c’est vous, c’est le bonheur de vous tenir au coin de mon feu et de vous baiser malgré vous. Pourvu que ce ne soit pas comme tous ces derniers jours où je vous ai attendu jusqu’à minuit. J’en ai plus peur qu’envie, aussi je ne serai tranquille que lorsque je vous tiendrai entre mes griffes. D’ici là je vais bien espérer et bien désespérer [des fois ?] probablement. Enfin il faut se résigner et faire bonne mine à mauvais jeu. Je devrais m’être habituée depuis si longtemps que je m’exerce à cela. Cependant je ne m’en aperçois pas car j’ai toujours le cœur aussi gonflé que le premier jour où je t’ai attendu inutilement. Je rabâche mon Toto et surtout je t’aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 21-22
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Citation à élucider.

[2Charles Hugo est parti à Rennes passer son baccalauréat.

[3C’est ainsi que Juliette surnomme sa fille Claire.

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