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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 mars 1848

20 mars [1848], lundi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon amour.
Je ne t’ai pas dit hier que j’avais l’intention d’aller ce matin à Saint-Mandé [1] parce que je n’y ai pas pensé. Du reste comme je sais que tu ne t’y opposerais pas je vais me dépêcher de faire mes affaires pour être revenue plus tôt et avant l’heure à laquelle tu as l’habitude de venir quand tu viens de bonne heure. Il y a longtemps que je sens le besoin d’aller à la tombe de ma pauvre enfant et je ne veux pas différer davantage à remplir tout à la fois un devoir et satisfaire un des douloureux besoins de mon cœur.
En même temps j’irai voir M. le curé. J’aurais désiré pouvoir lui donner de bonnes nouvelles de M. Pradier. Mais j’attendrai en vain et toute ma vie sans que ses promesses ne se réalisent jamaisa [2]. Il ne paiera pas plus sa dette à la mort qu’il ne l’a payée à la vie de son enfant. Il faut que j’en prenne mon parti et que je me résigne à ce dernier sacrifice. Puisse le bon Dieu n’être pas plus exigeant que moi envers lui.
Mon Victor je t’aime. Tout ce qui se passe en moi et autour de moi ne sert qu’à me faire mieux sentir à quel point tu es ma vie, mon amour et ma joie. Je te baise de l’âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 105-106
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « ses promesse se réalisent jamais ».


20 mars [1848], lundi matin, 11 h. ½

Je ne veux pas m’en aller sans te dire encore un petit mot d’amour et sans te baiser depuis la tête jusqu’aux pieds. Je serai de retour d’ici à deux ou trois heures. En attendant et pendant tout ce pieux et triste pèlerinage je vais m’appuyera sur ta pensée et sur ton amour. Je ne veux pas être faible ni injuste devant le bon Dieu ni ingrate envers toi, mon doux adoré. Aussi je te promets d’être bien courageuse et bien résignée et d’accepter la vie comme le bon Dieu me l’a faite tant que tu voudras bien m’aimer. Mon Victor adoré, sois béni. C’est du fond du cœur que je demande cette bénédiction pour toi et les tiens au bon Dieu. Je ne veux pas que tu t’inquiètes si par extraordinaire tu rentrais quelques minutes auparavant moi. Suzanne te dira l’heure à laquelle je suis partie. Ainsi ne te tourmenteb pas et attends-moi si tu peux. Je prendrai l’omnibus en allant et en revenant pour être plus vite revenue. D’ici là je vais bien prier le bon Dieu pour tous nos chers absents et pour toi, mon adoré bien-aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 107-108
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « m’appuier ».
b) « ne te tourmentes ».

Notes

[1Claire Pardier, la fille de Juliette Drouet, est enterrée au cimetière de Saint-Mandé.

[2À la mort de Claire, Pradier fait la promesse de sculpter pour sa fille un monument funéraire. Il décèdera en 1852 sans avoir accompli son serment.

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