18 mars [1848], samedi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon petit homme, bonjour. Je ne vous dis pas bonsoir parce que je vous souhaite pour votre Petit-Bourg [1] toutes sortes d’avancéesa : des femmes laides en masse, des cors aux pieds très douloureux et une foule compacte piétinant dessus, une soif inextinguible et pas le plus petit rafraîchissement. Une pluie battante et pas l’ombre d’un MYLORD ou la carcasse d’un riflardb [2]. Enfin je vous souhaite pour votre action charitable tous les anciens fléaux de la Bible y compris les sauterelles sous la forme de puces [3]. Je vous apprendrai à faire de la philanthropiec avec des ritournelles de STRAUSS pour accompagnement et des rosières BRÉDA [4] pour complices. Prenez garde seulement à ne pas sortir des limites de la souscription si vous tenez à ce qui vous sert d’yeux et d’autre chose non moins essentielle. Faut de la philanthropie comme de la vertu pas trop n’en faut. Une nouvelle Révolution de JULIETTE vous l’apprendra peut-être à vos dépensd. Maintenant que je vous ai formulé ce petit avis officieux je reviens à mes moutons et à mes chemises trouées et je vous prie d’aviser au plus vite à faire cesser cet état de chose menaçant pour l’ordre et la décence publique, liberté, égalité et fraternité.
La citoyenne Juju
MVH, 9028
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux
a) « avancés ».
b) « rifflard ».
c)« philantropie ».
d) « dépends ».
18 mars [1848], samedi après-midi, 1 h.
Je suis presque aussi pluvieuse que le temps et le temps est presque aussi pluvieux que le déluge le plus vieux de tous les temps. Je pense déjà à la figure que je ferai ce soir pendant que vous figurerez parmi les quadrilles des Petits-Bourgeois [5]. Je n’en trouve qu’une, celle de Madame Cornificius [6] récitant des vers classiquesa : demens qui nimbos et CORNIPEDUM [7]. Occupation aimable et tout à fait de circonstance. J’espère que le dévouement à la chose publique ne peut pas aller plus loin. Je doute fort que la colonie AGRICOLE de Petit-Bourg elle-même puisse faire pousser sur la tête d’une femme et sans le secours de l’eau de [leb ?lob ?], une plus belle végétation et des bois d’une plus magnifique venue en une seule soirée. Grâce à vous et au fertile terrain sur lequel vous plantez….. et ensemencez, ce problème sera résolu sans le secours de l’engrais Chaumontel et sans la collaboration du carabinier de Charles, ce qui dans tous les cas n’aurait pas été aussi SIMPLE qu’on croit. Maintenant mon bon petit homme, amusez-vous et tâchez de ne pas vous enrhumer en sortant. Je ne vous permets d’être la coqueluche du bal que le temps que vous y serez. Hors de là je vous prie d’avoir soin de vous et de vous garantir de tout refroidissement même envers moi qui n’ai pas cessé de fumer et de brûler pour vous depuis quinze ans en prenant mon cœur pour tison.
Juliette
MVH, 9029
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux
a) Juliette Drouet a dessiné sur l’ensemble de la feuille une femme portant sur la tête une abondante végétation.