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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 mars 1848

8 mars [1848], mercredi matin, 9 h.

Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour et merci du fond du cœur des quelques charmantes minutes que tu m’as données hier. Je voudrais qu’elles te fussent comptées dans ta vie en autant d’années de bonheur. Mon grand Victor, je baise tes divins petits pieds. Toute la nuit j’ai été avec toi, mon adoré. J’avais bien peur et j’étais bien malheureuse mais toi tu riais et tu allais toujours. Si j’avais le don d’expliquer les songes je crois que celui-ci est très significatif et très approprié aux circonstances et à nos deux personnes. Mais comme c’est un péché je ne m’y arrête pas et je les laisse s’effacer dans ma mémoire.
J’ai lu le certificat hier au soir avec beaucoup d’attention. Il me paraît on ne peut pas meilleur et je doute qu’on te fasse aucune objection sur sa validité. L’important maintenant est d’obtenir le plus gros prix possible pour cette pauvre femme qui ne l’aura pas volé [1]. Je voudrais déjà que tu aies réussi auprès de ta commission pour pouvoir donner cette joie à cette pauvre malheureuse qui ne s’attend à rien d’heureux dans ce moment-ci. Est-ce qu’il est possible que ce soit fait demain ?
Cher adoré, je n’ai pas besoin d’excuser une impatience que tu partages avec moi et que l’état de santé et de dénuement dans lequel se trouve cette pauvre admirable femme ne justifie que trop. Je baise toutes tes perfections extérieures une à une et je me prosterne devant toutes tes sublimes vertus morales. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 91-92
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette


8 mars [1848], mercredi midi

Je voudrais déjà que tu aies repris auprès de moi ta vie de tranquillité et de travail, mon bien-aimé, parce que je sens que cela te convient mieux que cette vie de tiraillements et d’efforts impuissants et parce que j’en profiterais pour te voir un peu plus d’un quart d’heure par jour, et puis je suis impatiente de me retrouver en compagnie de mon cher Jean Tréjean [2]. Je me suis tellement attachée à lui qu’il me semble qu’il me manque quelque chose de très essentiel à ma vie depuis que j’en suis séparée. Le jour où je le retrouverai sera une véritable joie pour moi. D’ici là, je pense à tout ce que tu fais de grand, de noble, de généreux et d’admirable pour tout et pour tous et je t’admire, et je te bénis et je t’adore. Je voudrais être reine pour mettre ma force et ma gloire en toi, je voudrais être Dieu pour te récompenser comme tu le mérites. Je ne suis qu’une femme mais je t’aime de tous les amours à la fois et j’ai pour toi le respect et la vénération sublime que les anges ont pour le bon Dieu. Je sais que je m’exprime mal et que mes idées se présentent le plus souvent la tête en bas et les pieds en l’air, mais qu’importe leur attitude extérieure si elles sont d’aplomb et droites dans mon cœur ? Qu’importe que l’air soit faux, si la chanson est juste ? L’important en amour est la conviction et la sincérité, ora je te crois le plus parfait et le plus sublime des hommes et je t’aime avec toutes les forces de mon corps et toutes les facultés de mon esprit, de mon cœur et de mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 93-94
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « hors ».

Notes

[1Victor Hugo et Juliette Drouet souhaiteraient voir Adeline Castanet, ouvrière qui a recueilli chez elle deux orphelins, remporter le prix Monthyon décerné par l’Académie Française.

[2En 1861, Victor Hugo substituera le nom de Jean Valjean à celui de Jean Tréjean.

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