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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 mars 1843

20 mars [1843], lundi matin 11 h. ¾

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher adoré. Comment vas-tu ? Comment vont tes pauvres yeux ce matin ?
Voici justement la mère Lanvin qui va aller tout de suite chez toi et qui me rapportera de tes nouvelles si elle te trouve. Je crains que tu n’aies pas de place pour ce soir et surtout pas de place pour moi. Ce serait une grande privation pour ta pauvre Juju qui après le bonheur de te voir, n’a pas de plus grand plaisir que de t’admirer dans ton chef-d’œuvre. J’attends le retour de Mme Lanvin avec impatience pour savoir comment tu vas et si je te verrai bientôt, mon cher petit homme.
Voici Mme Lanvin qui me met la tristesse dans le cœur pour ce soir car il paraît peu probable que j’assiste à la représentation. Je m’y attendais cependant. Mais cela ne m’empêche pas d’éprouver le même désappointement que si je ne m’y étais pas attendueb du tout. Enfin, il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher. Il faut aussi que tu veuilles que je t’adore car quoique tu fassesa, mon Toto, je t’adorerai.
Je finirai ma lettre plus tard pour ne pas faire attendre cette pauvre mère Lanvin. À tantôt.

2 h. ½

Je continue, mon Toto chéri, en grognant beaucoup de ne pas aller ce soir aux Burgraves car je n’irai pas, ce n’est que trop sûr. Cependant pour n’avoir rien à me reprocher je m’attiferaic toute prête dans le cas où la chance tournerait à bien pour moi.
Quel beau temps ! On dirait que c’est un fait exprès à cause de tes représentations. Jamais le bon Dieu n’en fait d’autre. Chaque fois que tu donnes une pièce, ce qui ne t’arrive pas souvent par parenthèses, à l’instant même où tu entres en représentation le ciel s’éclaircit et la chaleur devient étouffante. Témoin aujourd’hui où on se croirait au 20 juin au lieu d’être au 20 mars comme c’est la réalité. On n’a pas plus de guignon que tu n’en as, mon pauvre adoré, et avec autant de constance. Heureusement que tu es le dernier à t’en apercevoir et que ce sont plutôt ceux qui t’aiment qui sentent combien cette suite de guignon de toutes sortes est injuste lorsqu’elle s’adresse à toi, pauvre travailleur, si généreux, si bon et si doux. Cela ferait croire souvent que le bon Dieu est jaloux de toi et qu’il t’en punit par toutes sortes de taquineries. Je t’aime mon Victor adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 245-246
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « fasse ».
b) « attendu ».
c) « attifferai ».

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