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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 mars 1843

14 mars [1843], mardi matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon adoré bien-aimé, bonjour mon âme, bonjour tout ce que j’admire, tout ce que je vénère et tout ce que j’aime au monde. Bonjour, bonjour, je baise tes pieds.
Comment vas-tu ce matin, mon cher bien-aimé, as-tu pris quelque repos ? Je suis tourmentée quand je pense à toi, mon cher adoré, il me semble que toute la force et tout le courage humain ne peut pas suffire au travail et à la tâche que tu t’es imposésa. Aussi, mon Victor bien-aimé, je suis pleine d’inquiétude et d’angoisse quand je te vois partir toutes les nuits et que je sais que tu vas travailler. Le bon Dieu, jusqu’à présent, t’a donné la force et la santé mais je tremble quand je pense qu’il peut te la retirer d’un moment à l’autre.
Je t’aime, mon Victor adoré, autant que tu es beau, noble, grand, sublime et doux. Je t’aime de tous les amours à la fois. Tout ce que ton génie rêve et invente de plus passionné et de plus tendre, je l’éprouve pour toi, mon Victor bien-aimé. Mon Victor, mon Victor, je t’aime, je voudrais baiser tes pieds. Quand te verrai-je mon Toto ? Hélas ! je n’ose pas l’espérer avant ce soir bien tard. Cet incident ignoble et ridicule d’hier [1] va ajouter encore à tes ennuis et à tes occupations du moment et je ne te verrai pas à peine. Mais Dieu que c’est donc triste d’être en butteb à d’aussi immondes et d’aussi misérables ennemis que les tiens. Il est vrai que pour compensation, tu as pour amis tout ce que l’intelligence a de plus élevé et tous les cœurs honnêtes qui battent sous le ciel. Mais il n’est pas moins vrai que cette ignoble cabale d’hier me privera d’un jour de bonheur aujourd’hui. C’est bien triste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 229-230
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « imposé ».
b) « en but ».


14 mars [1843], mardi soir, 8 h. ¼

Te voilà avec une extinction de voix, mon pauvre bien-aimé. Heureusement que cela ne fait pas souffrir mais cela annonce toujours beaucoup de fatigue et un peu d’échauffement. Il faudra enfin que tu prennes un peu de repos si tu ne veux pas tomber malade sérieusement. Il ne faut pas non plus t’aviser d’aller chez Buloz pendant qu’il a la rougeole parce que tu l’attraperais sans aucun doute. Il ne faut pas, de gaîté de cœur, s’exposer à une maladie qui n’est pas sans gravité chez les grandes personnes. D’ailleurs si tu étais malade, même sans danger, je crois que j’en deviendrais folle de chagrin. Ainsi mon Toto, encore plus pour moi que pour toi, ne fais pas d’imprudences. Je te lirai tous les journaux que tu voudras ce soir. Je serai trop heureuse de les relire puisqu’ils disent ce qu’ils pensent et qu’ils pensent comme je [clame  ?].
J’avais apprêté, dans le cas où la mère Pierceau serait venue ce soir avec Mme Franque, la loge de sa cousine. Comme elles ne sont pas venues, la lettre et la loge sont là et tu les mettras à la poste ce soir si tu le juges convenable. J’ai envoyé aussi acheter du papier dans le cas où tu en aurais besoin ce soir. Il faut serrer les rangs demain et aplatira tes hideux Maximilien [2] de manière à ce qu’ils ne s’en relèvent pas. Pour cela, il faut prendre les meilleurs parmi les bons et les plus éprouvés. Pourquoi ne puis-je pas me multiplier… Pauvre adoré, quel succès !

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 231-232
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « applatir »

Notes

[1À élucider.

[2Néologisme formé par Juliette qui désigne ainsi les partisans de Mlle Maxime.

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