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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1833 > Lettre non datée (entre 1833 et 1835)

Collection Claude de Flers (juin 2013)

 

[Entre 1833 et 1835] [1]

Je t’ai quitté — mon ange — tu paraissais triste et mécontent — Mon Victor, me serais-je attachée à ta vie comme un scorpion venimeux pour la flétrir et l’épuiser — Déjà ton sourire frais et libre — devient chaque jour plus rare — tu es malheureux, Victor, et mon amour est un obstacle à ta tranquillité ; je voudrais fuir — je voudrais te déchirer de moi — de mon amour qui devrait couronner ta vie de roses — et la parfumer de bonheur — et qui semble la couvrir d’un crèpe — mais l’air que tu ne respires pas me ferait mourir — mon Victor — ton regard m’est plus nécessaire que le soleil — et j’ai besoin de tes baisers pour rafraîchir mon âme — et lui donner des forces — le lien qui existe entre nous est celui qui me tient à la vie — si je n’avais été ton amante j’aurais voulu être ton amie — si tu m’avais refusé ton amitié je t’aurais demandé à genoux d’être ton chien — ton esclave —
Mon âme est rongée par la pensée de ma situation, mais je veux être seule à souffrir — tu es trop faible toi — pour supporter comme moi des nuits sans sommeil — si tu mourais voudrais-tu m’empêcher de mourir avec toi — fou — le pourrais-tu — n’es-tu pas mon âme et ma vie — et le chagrin — qui chaque jour grossit comme une avalanche — le chagrin — qui creuse l’âme goutte à goutte, n’est-ce pas une longue mort ? — je me suis donnée à toi tout entièrea — à toi — ma vie — belle ou hideuse — riante ou sombre — poétique ou rampante dans la boue — je n’ai rien voulu en retrancher de toi — je veux la partie la plus précieuse de ton existence — ton amour — car je crois — et laisse-le moi croire — que l’amour peut mettre du miel dans la coupe la plus amère —
Tu m’appelles ange — et je suis un pauvre ange déchu — mais l’amour élève si haut — mon Victor — tu verras repeupler mes ciels — et je t’enlèverai au ciel — mais……………b
Mais et ici je m’arrête — je vais marcher sur un aspic — qui va se retourner contre moi — je vais mettre le pied sur un terrain mouvant — écoute — mais je ne veux pas que tu voies l’état de mon cœur — en ce moment — je ne veux pas que tu le regardes pour voir s’il saigne — que tu y portes le doigt pour voir si sa blessure est large — mes souffrances à moi — je saurai les supporter — je ne puis m’expliquer… tâche de me comprendre —
Ils disent : — Il n’est pour elle qu’un moyen — un seul de changer sa position — eh bien Victor —c

Collection Claude de Flers (juin 2013)
Transcription de Florence Naugrette

a) « toute entière ».
b) Les points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.
c) La lettre s’interrompt ici au bas de sa quatrième page.

Notes

[1Conservée chez un collectionneur, cette lettre n’est pas classée. Les lettres de Juliette Drouet antérieures à l’exil sont sans millésime. Elles commencent à porter le nom du jour et du mois (mais pas encore le millésime) fin 1835. L’écriture de celle-ci, avec sa ponctuation presque unique du tiret, son style constamment hyperbolique et son expression décousue, est typique des toutes premières années de leur relation.

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