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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 août [1847], samedi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher adoré, bonjour, mon roi, bonjour, mon cher béni, bonjour, sois heureux. J’ai voulu ce matin que cette pauvre femme eût tout de suite la noble et douce lettre que tu as eu la bonté de faire pour la malheureuse folle [1]. J’aurais voulu que tu fusses là pour entendre toutes les bénédictions que cette pauvre mère te donnait dans sa délirante reconnaissance. C’était naïf et déchirant tout à la fois. C’était une explosion sublime de douleur et de joie partie du plus profond du cœur. Ô mon Victor que tu es heureux de pouvoir calmer de pareilles douleurs, que tu es grand d’y consentir. Ô tu es vraiment fait à l’image de Dieu tu en as la beauté tu en as la divine bonté, tu es grand eta éblouissant comme lui, je t’admire à genoux et je te bénis. J’ai le cœur gonflé d’amour et d’adoration. Il me semble que ma poitrine est trop petite pour le contenir. S’il avait où aller il se serait déjà envolé vers toi.b
Pauvre père éprouvé, tu vas avoir aujourd’hui dans la glorieuse joie de ton enfant une douce et ravissante consolation [2]. Ô qu’elle se multiplie pour toi et qu’elle convertisse toutes tes douleurs passées en bonheur présent et à venir. Sois heureux mon Victor tu en as le droit plus que tout le monde. Je t’adore, je t’aime, je te baise.

Juliette

MVH, α 8992
Transcription de Nicole Savy

a) « et » répété par erreur.
b) Encre si pâlie que la phrase est plus devinée que lue.


14 août [1847], samedi, midi ¾

Voici bientôt l’heure d’aller chez M. Jauffret [3], mon cher petit bien-aimé, et mon cœur bat d’avance en pensant à votre bonheur à tous. Tu serais bien gentil de venir en sortant de la pension. J’ai bien besoin de te voir car il me semble qu’il y a bien plus d’un jour que je ne t’ai vu. La douleur de cette malheureuse mère a peséa sur ma vie depuis hier et m’a fait trouver les heures mortellement longues. Aussi il me semble que si je te voyais mon âme sortirait de cette sombre et triste prison qu’on appelle : l’absence et qu’elle s’épanouirait sous ton beau regard comme sous le soleil. Hélas quand tu liras cette prière je serai en train de recommencer une autre journée tout aussi seule tout aussi longue que celle-ci. Je te supplie de te souvenir que je t’attends que je te désire et que je souffre, et de venir le plus tôt que tu pourras.
J’ai la tête en feu depuis hier. J’aurais besoin d’un peu de distraction mais avec toi. Les autres me sont presque toujours odieuses et me donnent encore plus mal à la tête. Mon Victor adoré si tu pouvais venir de bonne heure aujourd’hui tu me rendrais bien heureuse. En attendant, je t’adore et je te désire de toutes mes forces.

Juliette

MVH, α 8993
Transcription de Nicole Savy

a) « peser ».

Notes

[1À élucider.

[2François-Victor Hugo a obtenu le quatrième accessit de discours français et le deuxième accessit de vers latins au concours général.

[3La pension Jauffret, fondée en 1837, se trouvait rue de la Culture-Sainte-Catherine, actuelle rue de Sévigné, non loin de la place Royale. Elle occupait l’hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau, aujourd’hui musée Carnavalet. François-Victor reçoit ses prix de concours général.

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