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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 février [1843], mardi soir, 7 h.

Tu es parti déjà, mon adoré, et tu as emporté avec toi la meilleure partie de moi-même : mon cœur et ma joie. Dès que tu n’es plus là auprès de moi je suis triste et désœuvrée comme un corps sans âme. J’ai beau m’occuper, je ne sais pas ce que je fais. J’attends, j’écoute comme si je croyais que tu vas revenir tout de suite et que j’entends ton pas. Plus je vais et plus cette préoccupation de toi s’empare de tout mon être. Je suis très contente d’avoir pris mon petit dessin. Cela fera un charmant frontispice pour mon album. Mais quand aurai-je mon album ? Pauvre Toto, ce n’est toujours pas le moment d’y penser à présent et je suis trop heureuse d’agripper çà et là quelques petits dessins ravissants de vous avec le prétexte lointain d’un album.
Si tu savais comme je souffre des coliques, Toto. Le cœur me manque. Je me suis déjà interrompue trois fois depuis que j’ai commencé cette lettre pour laisser passer des bouffées de coliques atroces. Cela tient à une cause très connue mais qui ne m’empêche pas de souffrir beaucoup. Je ne sais pas si je pourrai finir mes comptes ce soir. Au surplus cela ne te presse pas autrement et pourvu que je te les donne un jour ou un autre, c’est tout ce que tu me demandes, n’est-ce pas mon Toto ? Et puis j’aurai encore à écrire ce soir sous ta dictée, ainsi je me réserve pour cet objet qui est beaucoup plus pressé.
Tu feras joliment bien de parler un peu vertement à cette stupide et hydrophobe Maxime et tu feras encore mieux de prendre la précaution que tu dis la prochaine fois que tu donneras une pièce à ce hideux théâtre. En attendant, il faut faire en sorte que toutes ces clabauderies s’éteignent avant la 1ère représentation des Burgraves. Je voudrais pour beaucoup qu’elle eûta eu lieu et qu’elle n’ait éprouvéb aucune perfidie, aucune trahison de tous ces affreux gredins.
Je t’aime mon Toto. Tâche de venir de bonne heure car je t’ai à peine vu aujourd’hui. Je te désire, je t’attends et je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 123-124
Transcription de Olivia Paploray, assistée de Florence Naugrette

a) « eut ».
b) « éprouvée ».

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