19 septembre 1856

Guernesey, 19 septembre 1856, vendredi midi

Cher petit homme, je suis triste de ta tristesse et de la mienne de la perte de ce pauvre petit Triboul et cependant, je conserve l’espérance qu’il reviendra avec et sans la police, fût-il dix fois prisonnier et non plus flâneur ou amoureux. Il est impossible que ce pauvre petit chien ne retrouve pas très prochainement la liberté et son chemin, même sans le secours de la force armée de l’île. Pourtant, si tu m’en croyais, nous nous mettrions à sa recherche, ne fût-ce^a que pour l’acquit^b de notre conscience et pour tromper notre impatience. Cela aurait été d’autant plus facile aujourd’hui qu’il fait beau temps et que ce n’est pas jour de poste. En attendant que tu te décides, je vais aller à mon nouveau logis faire une nouvelle battue dans mes matelas et mes bibelots laineux et verreux. Si tu ne me trouves pas ici, c’est que je serai en chasse là-bas. Tâche de venir m’y reprendre afin que j’aie le temps de te voir et de rester quelques instants avec toi. Tâche donc aussi de penser à demander les morceaux du paletot et de la doublure à M^me Florence car rien ne nous sera plus utile pour raccommoder tout cela sans préjudice de ton second bain que tu pourras prendre tantôt pendant que je lirai le journal en t’attendant sur les rochers. D’ici là, je vous défends d’être trop triste en pensant à Triboul qui nous reviendra, j’en suis sûre, et je vous ordonne d’être GEAI en pensant à moi qui vous aime tête et queue et sans perdre votre piste.

Juju.

Bnf, Mss, NAF 16377, f. 233
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette

a) « fusse ».
b) « acquis ».