Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1871 > Janvier > 12

Paris, 12 janvier [18]71, jeudi, 2 h. après-midi

Je ne suis plus bonne à rien, mon pauvre bien-aimé, et c’est à peine si je distingue encore ma main gauche de ma main droite. Aussi le plus petit obstacle que je rencontre dans la vie maintenant est un épouvantail que je ne sais comment franchir. Cependant je n’ai jamais plus senti le besoin de te complaire en tout et d’alléger ton fardeau qu’aujourd’hui. Ma crainte est de n’y pas réussir. J’essaierai néanmoins dès que nous saurons la réponse du citoyen Brébant que Mme Charles a promis de voir tantôt. En attendant je crois qu’il est utile de garder le silence vis-à-vis les gens de l’hôtel dans le cas où, par impossible, nous ne trouvions pas mieux et à des conditions plus modérées [1]. Quant à retourner à l’hôtel Navarin je le tenterai si tu veux mais je suis sûre que tu le regretteras, presque aussitôt. À propos de regret, je viens de commettre un lapsus linguae qui m’en laisse un des plus agaçantsa qu’on puisse éprouver. Figure-toi qu’en voulant inviter Louis [2] à dîner pour demain je l’ai invité pour ce soir bien que le pauvre garçon s’en défendît comme pressentant que je me trompais. Si j’avais su où le trouver je lui aurais écrit tout de suite pour le prier de remettre l’invitation à demain sous prétexte d’éviter d’être treize à table ce soir. Il est vrai qu’il me reste cette même ressource pur ce soir mais cela n’en est pas moins très bête et très disgracieux pour lui et pour moi. Décidément je tombe tout à fait en enfance. Ça n’est pas drôle pour toi ni consolant pour moi. Pour sortir par quelque chose de plus gaib de cette rabâcherie imbécilec je t’apprends que ton fils Charles va mieux à ce que m’a dit Philo du bout des lèvres quand je m’en suis informéed ce matin. Petit Georges est plus beau que jamais et Petite Jeanne aussi adorable que toujours. Moi je t’aime jusqu’à la moelle de mes os.

MLVH Bièvres, 130-8-LAV-VH 33 a, b et c
Transcription de Gérard Pouchain

a) « agaçant ».
b) « gaie ».
c) « imbécille ».
d) « informé ».

Notes

[1« J. J. a passé la journée à chercher un autre hôtel. Rien n’est possible. Tout est fermé. » (Victor Hugo, Carnet, 13 janvier 1871).

[2(Jean-)Louis Koch, son neveu.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne