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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er juillet 1847

1er juillet [1847], jeudi matin, 8 h. ½

Bonjour vous, je devrais ne plus vous parler ni vous regarder après les choses que m’avez dites hier. Mais comme il serait au-dessous de moi d’attacher de l’importance à vos moqueries déplacées, je les IGNORE et je continue de vous traiter avec une indulgente pitié au risque de vous aplatira sous le poids de ma magnanimitéb. Maintenant continuez si vous voulez m’intéresser. Pourvu que cela ne m’empêche pas d’aller vous chercher tantôt, c’est tout ce que je demande. Je me fiche du reste et de vous en particulier. Cette profession de foi n’est pas neuve mais elle me console dans l’occasion.
J’attends toujours les portraits de mes chinois. Si vous voulez je vous les ferai moi et je garderai les originaux [1]. Mâtin, vous ne perdriez pas au change et je suis bien trop généreuse de prodiguer mon talent pour un être qui en est si peu digne. C’est une faiblesse que je me reproche tous les jours mais à laquelle je ne peux pas me soustraire. On n’est pas parfait, comme vous savez. En attendant, vous en profitez et vous en abusez sans remords comme un vrai sans cœur que vous êtes. Taisez-vous, j’aime autant ça.
Il est probable que vous dormez encore, cher scélérat, et je vous approuve car vous avez besoin de repos le matin puisque vous vous obstinez à travailler une partie des nuits. Je ne veux pas vous réveiller en vous houspillant comme vous le méritez et je vous embrasse tout doucement pour mieux vous étouffer après. Dormez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 146-147
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « applatir ».
b) « magnimité ».


1er juillet [1847], jeudi après-midi, 1 h.

Oui vous êtes une bête, oui c’est vous qui êtes malade de la peste, oui c’est vous qu’on devrait pendre pour le salut des saintes doctrines littéraires, oui vous avez tondu plusieurs fois la largeur de votre langue dans le pré académique et vous n’en aviez nul droit, puisqu’il faut parler net. Oui vous êtes le vilain animal, le pelé, le galeux d’où vient tout le mal [2] de ces pauvres Ponsard, Saint-Ybars et autre Latour [3] plus Magen les uns que les autres. Oui, oui je le répète, je le jure et je le signe de mon sang s’il le faut. Maintenant vous pouvez me braire toutes les sottises que vous voudrez, je m’en fiiiiichea comme de votre premier bât.
Ah ! tu viens te frotter à ma CRITIQUE. Ah ! tu as le front de te moquer de mon ÉTRILLE. Ah ! tu as essayé de compromettre ma réputation en BELLES LETTRES. En voilà UNE BELLE DE LETTRE que tu ne montreras pas et dont tu ne te vanteras pas. Sois tranquille, dorénavant je te tiendrai la BRIDEb et je te mènerai par un chemin où il y aura des tas de pierres. Viens-y maintenant me narguer, je suis ferme sur mes étriers et j’ai mes étrivières toutes prêtes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 148-149
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) Il y a cinq « i ».
b) « brides ».

Notes

[1À élucider.

[2Référence à La Fontaine, « Les Animaux malades de la peste », Livre VII, 1.

[3Isidore de Latour, dit Latour de Saint-Ybars.

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