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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 octobre [1838], mardi matin, 10 h. ½

Voilà la seconde fois, mon Toto, que vous m’attrapez, c’est très mal et ça prouve que vous n’avez plus de plaisir à coucher avec moi ou que vous crevez vos beaux yeux en passant toutes les nuits à travailler, ce qui est aussi coupable et aussi féroce. J’espère pourtant que tu viendras déjeuner. Hier je ne l’espérais pas et tu as eu la bonne attention de me faire une charmante surprise. Aujourd’hui je t’attends. Il faut tâcher que ce ne soit pas en vain car alors j’aurai beaucoup de chagrin. Je sens d’ici le fricot qui fricotte sur le feu, mais je ne vois pas venir mon Toto, ce qui me coupe furieusement l’appétit. Tu ne peux pas être allé déjà à la répétition ? Il faut bien que tu déjeunes ? Autant moi qu’une autre je vous arrangerai pas cher. Voici que le temps se gâte, vous devriez venir chercher votre parapluie, mon Toto. Je ne sais pas pourquoi je me figure qu’on est déjà revenu chez vous et que c’est seulement pendant l’installation que vous êtes venu déjeuner et souper avec moi. Maintenant que cette idée vient de m’entrer dans l’esprit me voilà malheureuse et triste pour tout le temps que je ne vous verrai pas, et pour toute l’année si la nouvelle que je crains est vraie. Je t’aime trop, je t’aime trop, c’est bien vrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 51-52
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette


16 octobre [1838], mardi soir, 7 h.

Mon cher petit homme, Mme Pierceau n’y était pas et est revenue presque en même temps que moi, vous voyez bien que j’avais raison. Cependant vous seriez bien i si vous veniez me surprendre. Je reprends ma lettre où je l’ai laissée mon Toto [1]. Je suis fâchée que ta présence adorée ait été entâchée d’une jalousie que je ne comprends pas et surtout bien peu motivée. Enfin, mon pauvre adoré, quelle que soit ta manière, quelle que soit ton absurdité, tu as bien fait de venir et tes baisers sont toujours bien bons à quelque sauce que tu les mettes. Je dînerai peu pour pouvoir souper avec toi. Nous achèterons quelque chose de bon, ça sera très gentil. Mme Pierceau me rabâche à l’oreille que tu es admirablement beau et bon et qu’elle t’adore. Moi je dis comme elle, ce qui peut vous faire tinter l’oreille gauche car ce sont de très bons cancans. Jour Toto, jour mon petit o. Papa est bien i. Je l’aime, je l’adore mon papa, c’est bien fait. Les choux ne sont pas encore fricassés, c’est ce qui est cause que je vous écris toujours. Pauvre bien-aimé adoré, aime-moi, pense à moi et n’aie pas peur. Mon cher petit homme, je t’aime bien véritablement et bien sincèrement et de toute mon âme. Tâche de venir de bonne heure, nous serons bien heureux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 53-54
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Hugo est venu la voir entre temps.

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