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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 février [1839], mercredi après-midi, 1 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour mon adoré. Je t’aime. Je te désire comme il n’est pas possible. Je suis dans un de ces moments de la vie où le cœur est à vif et où il a le plus grand besoin du baumea d’amour. Pauvre bien-aimé, je sais que tu travailles, mais cette conviction n’est pas faite pour calmer le besoin que j’ai de toi et les inquiétudes que me donne ton travail sans relâche. Je t’aime. J’ai reçu deux lettres tout à l’heure : l’une de ma fille, l’autre de Mme Guérard. Aussitôt que tu auras un moment, je te prierai de me conduire à la pension. J’ai toujours mon torticolisb, je pense que c’est le mauvais temps qui me vaut ça maisc c’est bien gênant car on ne peut faire aucun mouvement. Chère âme, quand tu parlais hier des bienfaits de la providence, je t’écoutais sans pouvoir te répondre car j’étais suffoquée par la force de la vérité et saisie par la crainte de voir arriver un de ces malheurs auquel grâce à Dieu nous avons échappéd jusqu’à présent, c’est-à-dire des maladies ou des accidents qui me priveraient pendant plusieurs jours du bonheur de te voir. Ô mon Dieu, faites que jamais cela ne m’arrive car je perdrais la tête. Mon bien-aimé, mon bien-aimé, j’étais ingrate et injuste hier mais aujourd’hui je remercie Dieu et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 179-180
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « beaume ».
b) « torticoli ».
c) « m’est ».
d) « échappés ».


20 février [1839], mercredi soir, 8 h. ¾

Mon cher bijou, je t’aime. Je ne peux pas te dire à quel point ni comment mais je t’adore. Vois-tu, mon adoré, je te le dis du plus profond de mon âme, c’est que je ne peux pas vivre sans toi. Je t’aime. C’est ma vie, je t’aime, c’est mon espoir, je t’aime, c’est ma joie. Ton projet pour le théâtre Joly est tout à fait bien et digne et j’y donne la main et les pieds, car il est probable que ce que nous avons de mieux à faire, c’est de nous enfuir à toutes jambes de cet affreux cul de sac Villetadour [1]. En attendant, je t’aime et je te désire comme une perdue. Résisieux [2] est décidément folle de vous et je suis sur le point de devenir d’une jalousie féroce. J’ai déjà tenté de l’étouffer au moyen d’une dose de frangipane et de confiture au-dessus des forces d’un estomac féminin : vous voyez de quoi je suis capable, mon bijou, pour vous garder à moi toute seule. Cher cher bijou, je vous aime, j’exige impérieusement que vous veniez DÉJEUNER avec moi, sans cela, je m’insurge et je vous attaque en police des plus correctionnellesa. Je vous aime, Toto. Je t’aime, mon petit homme. J’ai bien du regret quand je vous ai affligé, allez, aussi, ça ne m’arrivera plus jamais. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 181-182
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « correctionnelle ».

Notes

[1Villetadour : jeu de mot par mot-valise, amalgamant les noms de Villeneuve et de Ventadour, salle qu’occupe le théâtre de la Renaissance.

[2Résisieux, fille des Besancenot.

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