9 septembre 1857

Guernesey, 9 septembre 1857, mercredi, 3 h. après-midi

Qu’on dise après cela que la vertu est toujours récompensée et on aura un fier démenti de la pauvre Juju. Je m’étais pris^a le cœur à deux mains trois courages pour vous faire le sacrifice de mon mercredi en l’honneur de ce stupide Hetzel et voilà que ce libraire en profite pour aller à Jersey. Que le diable l’emporte et le circulus et son auguste inventeur [1] avec. Voilà tout ce que mon inépuisable générosité peut leur souhaiter de plus doux. En attendant voilà mon pauvre dîner le bec dans l’eau sans parler d’un splendide plat de champignons de prairie ramassé par le docteur [2] lui-même à votre intention et apporté par le jeune Préveraud, le tout sous la garantie du susdit docteur. J’ai envie de les envoyer chez vous mais je crains qu’on n’ose pas les manger, c’est ce qui me fait hésiter. Du reste je vous rappelle ici, pour la deux cent vingtième fois, qu’il serait peut-être de bonne cordialité d’inviter le docteur de temps en temps et surtout à l’occasion de la présence de Noël Parfait, collègue et co-proscrit du susdit docteur. Je crois qu’il serait fort sensible à ce bon procédé qui ne serait après tout que juste vu le dévouement incontestable qu’il vous a témoigné dans une circonstance bien grave, si je me trompe. C’est à bonne intention car je n’ai pour but que de te conserver des amis sûrs. Je t’aime mon Victor en toute chose et je t’adore devant Dieu.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 174
Transcription de Chantal Brière