Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1838 > Août > 14

14 août [1838], mardi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon cher adoré, bonjour mon bon petit homme. Il y a un an aujourd’hui que nous courionsa la grande route avec une perspective d’un mois et plus de bonheur à notre horizon. Aujourd’hui nous sommes à la veille de notre départ mais avec si peu de temps devant nous que je n’ose pas me réjouir. Avec cela je suis malade, j’ai encore passé une mauvaise nuit, pour peu que ça continue, tu seras forcé de m’abandonner au premier relai.
Mme Krafft était déjà partie à la pension de sa nièce quand Suzette y est allée. La femme de chambre a dit qu’elle lui dirait les deux nouveaux objets que je lui ai demandésb mais je ne pense pas qu’elle ait le temps, Mme Kraft, de penser à ce que je lui demande, et nous serons forcés d’acheter une casquette quelconque. Je t’aime, mon pauvre bien-aimé, je t’aime de toutes mes forces, ce n’est pas assez dire, je t’aime de toute mon âme. Je voudrais n’être plus malade, ça m’inquiète de ne pas sentir de mieux aujourd’hui. Peut-être que si je marchais et si je prenais un peu l’air, cela me ferait du bien. Mais tu ne peux pas me faire sortir, tu as tes affaires aussi et je comprends bien cela. Je vous aime, mon Toto chéri. Je tâcherai de me guérir pour jeudi. Il faudra que je sois morte si je n’y parviens pas. En attendant, je baise tes petits pieds adorables et adorés.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 167-168
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain.

a) « courrions ».
b) « demandé ».


14 août [1838], mardi soir, 6 h.

Je suis toujours bien souffrante, mon adoré, et je suis toujours plus désireuse et plus impatiente de te voir. Mme Kraft a envoyé son portier avec un paquet contenant un châle pour le voyage et une robe de mousseline de laine en pièce. Il paraît qu’elle tient à me donner une robe de cette étoffe, plus un chapeau fané à plumes. Je l’ai renvoyé, non parce qu’il était fané mais parce que je ne peux pas monter sur une impériale avec un chapeau à plumes sans avoir l’air de Mme Gras-Boyaux [1]. En supprimant les plumes, il fallait un nœud de ruban rassorti et que je n’en ai ni le temps ni le talent. Cet envoi était accompagné d’une lettre que je n’ai pas ouverte. Le portier qui l’a apportée, m’a demandé une loge sans plus d’explication. J’ai écrit un mot à Mme Krafft pour la prévenir que je ne t’avais pas vu et que je ne savais pas quand je te verrais. Enfin, mon pauvre bien-aimé, je n’ai pas ce qui pouvait m’obliger, c’est-à-dire un chapeau quelconque. Il faudra que nous en achetions un, à moins qu’elle ne se ravise car je dois envoyer Suzette pour savoir si elle a un corseta lacé devant. Je t’écris toutes ces choses parce que je sais que tu y tiens quoique ce soit peu intéressant. Il paraît que tu ne veux pas me mener chez Mme Pierceau. Je savais bien qu’en te le demandant, c’était une raison pour t’en empêcher. Au moins tâche de me faire sortir car je suis très malade et de rester toujours enfermée me tue. Je t’aime, tu le sais trop bien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 169-170
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain
[Blewer]

a) « corcet ».

Notes

[1Personnage comique populaire, épouse du Père Gras-Boyaux.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne