Paris, 19 octobre [18]73, dimanche soir, 6 h.
Je te demande pardon, mon cher grand bien-aimé, du petit mouvement d’impatience que j’ai eu en recevant ta proposition de nous adjoindre un quinzième convive quand, à grand peine, les assiettes se touchant bord à bord, nous avons pu placer quatorze assiettes sur la table avant d’avoir résolu le problème de faire asseoir quatorze convivesa autour de ces quatorze assiettes. Autre chose encore, je n’ai commandé que pour douze chez Julien [1]. Je compte sur le mauvais état de mon estomac pour escamoterb une part du déficit dans le menu mais je serai embarrassée pour en escamoter deux, à plus forte raison trois. D’autre part, encore si les Lucas ne viennent pas, nous retombions, en conservant Robelin, au chiffre treize, de même si Mme [illis.] et Mlle Lesclide [2] s’[illis.] nous aurons encore le même nombre fatidique avec le bonhomme Robelin. De toutes façons, nous aurons deux fois meilleure chance en restant comme nous sommes, au risque d’improviser ta petite table d’en haut. Cela dit, mon cher adoré, il ne faut plus m’en vouloir, car j’ai pour circonstance atténuante un peu de souffrance depuis deux jours. Je t’aime et te supplie de m’aimer.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 295
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette
a) « convive ».
b) « escamotter ».