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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 avril [1847], vendredi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Victor, bonjour, mon vraia petit homme, bonjour, qu’on vous dit avec un sourire, avec un million de baisers, avec une douce joie et un grand bonheur. Tous ces bonjours si tendres et si charmants je vous les donne en échange de votre BONSOIR qui n’était pas piqué des Zannetons. Comment vas-tu, mon cher préoccupéb, mon pauvre petit somnambule, mon amoureux distrait ? Je suis sûre que tu ne te souviens pas de ta bonne action de cette nuit, si ce n’est comme un rêve que tu as eu ? Au reste je m’en souviens pour toi et pour moi et j’en ai recueilli du bonheur pour deux. Quand tu voudras que je te rende ta part je suis toute prête. Comment va ton pied, mon petit Toto ? Iras-tu à la Chambre aujourd’hui ? Je ne saurai cela que tantôt et dans tous les cas je me tiendrai prête à aller au-devant de toi. Je t’attendrai dans l’église Saint-Sulpice à moins que tu n’aimes mieux que ce soit chez Mlle Féau. Pour moi j’aimerais mieux l’église parce que je serais plus tôt avec toi. Mais, j’aimerais encore mieux que tu viennes de bonne [heure] t’installer dans ma chambre pour n’en sortir que le plus tard possible. Tous mes souhaits n’avancent pas à grand chose et il n’en sera toujours que ce que tu voudras qu’il en soit. En attendant, je vous attends et je vous aime plus de dix cent mille millions de fois que vous.

Juliette

Collection particulière / MLM / Paris, 71954
Transcription de Gérard Pouchain

a) « vraie ».
b) « préocupé ».


16 avril [1847], vendredi après-midi, 3 h. ¾

À quoi pensez-vous donc, vieux chinois, de ne pas venir plus vite que ça ? Je vous attends cependant et je vous désire encore plus mais cela ne vous presse pas davantage. Où êtes-vous ? Que faites-vous, à qui faites-vous les yeux doux et pour qui faites-vous votre bouche en bâton de chaise ? Prenez garde que je ne vous surprenne, vieux scélérat ? Pourvu que vous ne vous soyez pas donné le genre d’aller à la Chambre sans me prévenir ? Voilà qui me surprendrait peu agréablement. Je passe ma vie à vous désirer, à vous regretter et à trembler, cette trilogie n’est pas du toujours amusante, je vous prie de le croire. Il y a même beaucoup de moments où elle est très embêtantea. Il est vrai que par compensation ils sont dans l’album. Oui c’est assez drôle j’en conviens mais j’ai le mauvais goût de ne pas m’en contenter même lorsqu’il a crié quand il m’a mordu. Après cela je comprends que la MAIRIE, Chaumontel et l’affaire de Charles qui est moins simple que jamais, la garde nationale, son auguste famille les CARABINIERS. Tout cela, bien mêlé ensemble et chauffé au bain marie-Ménessier [1] dans un seaub d’eau de pompe et deux ou trois pavés de Fontainebleau, fait une petite scie moelleuse et endormante qui ne manque pas d’un certain charme. Seulement il n’en faut pas prendre trop souvent et à dose que veux-tu de peur d’en user l’effet. Voime, voime, voilà mon opinion.

Juliette

Collection particulière / MLM / Paris, 71956
Transcription de Gérard Pouchain

a) « ambêtante ».
b) « sceau ».

Notes

[1Jeu de mots sur le nom de Marie Ménessier-Nodier, femme de lettres, fille de Charles Nodier et épouse de Jules Ménessier.

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