Guernesey 28 mai [18]73, mercredi matin, 8 h.
Il m’est impossible, mon cher grand bien-aimé, de savoir à quelle heure tu t’es levé ni même si tu es levé en ce moment parce que je me suis levée tard et parce qu’il m’a fallu déménager dare-darea, avec Suzanne tout l’outillage de mon cabinet de toilette avant que les ouvriers ne soient dans la fenêtre même. Mais, ce que je sais bien : par exemple, c’est que mon amour va toujours grandissant et mon admiration et ma vénération aussi au fur et à mesure que tu grandis toi-même dans tes œuvres prodigieuses, dans tes actions sublimes et dans ta bonté divine. J’ai le cœur plein de tendresse et d’adoration en pensant à tout le bien que tu fais sans te lasser jamais et sans te plaindre des plus noires ingratitudes. Ton courage et ta pitié ne reculent devant rien de ce qui rebuterait les anges eux-mêmes. Comme Dieu tu es inépuisable dans le beau, dans le grand, dans le juste et dans le pardon. Sois comme lui béni et adoré par la reconnaissance générale du genre humain et aimé par moi comme jamais homme ne l’a été sur la terre. J’espère que ta lettre à Mac Mahon [1] portera bonheur à ce pauvre Rochefort [2] et que ce soudard de général tiendra à honneur de faire ce que tu lui demandes pour ce pauvre malheureux homme victime de la plus monstrueuse réaction. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 157
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
a) « dar, dar ».