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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 avril 1847

30 avril [1847], 7 h. ½ du matin

Bonjour mon aimé, bonjour mon Toto, bonjour mon amour, bonjour ma vie, bonjour mon âme. Bonjour qu’on vous dit avec l’onglée aux mains et la goutte au nez. Depuis une heure je fais du jardinage avec Duval et Dieu sait que je n’y ai pas attrapéa chaud. Je fais resabler les allées parce que la première couche de sable a disparub dans la terre fraîchement labourée. Maintenant que c’est tassé c’est assez pour bien des années. Dieu merci car plus je vais et plus je renoncerais au jardin de bon cœur à cause de ce qu’il coûte et du peu de plaisir que j’en retire.
J’ai plus que jamais l’intention d’aller tantôt à Saint-Mandé et de faire une visite à M. le curé qui, à ce que Duval vient de m’apprendre, lui a fait semer du gazon sur la tombe de ma pauvre fille et planter une petite bordure de rosiers nains en dehors de la balustrade. Je veux l’en remercier et savoir de lui ce que cela coûte. Je ne peux pas laisser passer tous ces soins pour le souvenir de cette pauvre enfant sans le remercier et sans le payer. Tu ne le voudrais pas non plus, j’en suis sûre. Aussi je ferai dire par Duval qui doit s’en aller tout à l’heure que j’irai tantôt au presbytère à moins de mauvais temps. Je ne t’attends pas parce que je veux profiter de la présence de Duval pour m’annoncer chez M. le curé qui est très peu chez lui. Mon Victor je t’aime, je baise ton divin front.

Juliette

MVH, α 7893
Transcription de Nicole Savy

a) « attrappé ».
b) « disparue ».


30 avril [1847], vendredi après-midi

Je n’irai pas aujourd’hui encore à Saint-Mandé. Ce sera pour demain. M. le curé vient de m’écrire par son domestique pour me dire qu’il ne pouvait pas être chez lui aujourd’hui dans la journée, mais qu’il me priait de choisir entre demain et lundi. J’ai préféré demain parce que tu seras toi-même occupé et que je ne te verrai pas à cette heure-là, probablement de midi à 2 h. Tu verras sa lettre tout à l’heure si tu rentres chez moi tout de suite après ta répétition. Je te dirai mon Victor que j’ai la tête si douloureuse que je ne trouve qu’avec peine les mots les plus usuels et que ces mots une fois trouvés, je ne sais plus à quoi les appliquer. J’ai le cerveau tout à fait vide. C’est l’effet que me fait le chagrin maintenant. Je ne t’en parlerais pas si je ne craignais que tu ne t’en aperçoives dans mes paroles ou dans mon gribouillis. Je compte sur ton indulgence pour excuser l’incohérence de mes idées. Mon cœur est toujours intact et tu y retrouveras mon amour aussi entier, aussi tendre, aussi passionné que le premier jour où je t’ai vu. Pour une pauvre femme malheureuse tu ne peux pas en exiger davantage sans cruauté et sans injustice. Je te baise de toute mon âme.

Juliette

MVH, α 7894
Transcription de Nicole Savy

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