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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 avril [1847], lundi matin, 10 h.

Bonjour, mon Victor toujours plus aimé et toujours plus adoré quoique presque toujours absent. Bonjour, je t’aime et je pense à toi avec douceur et en te désirant de toutes mes forces.
Tu dois être bien fatigué, mon cher bien-aimé, mais j’espère que vous en avez tout à fait fini avec ce nigaud monstre qui commençait à tourner en scie Montyon [1]. Quels sont les heureux et les bienheureux ? Le n° 194 en est-il ? J’en doute, ça ne pourrait être que pour la rareté du fait et pour se débarrasser d’un Ancelot [2] quelconque qu’on l’aurait favorisé. Vous me direz cela tantôt. Car enfin il faudra bien que vous veniez un pauvre petit moment dans la journée puisque je ne dois pas vous revoir de la soirée. Mon Victor, si tu savais ce que toutes ces banalités et ces lieux communs qui n’ont ni queues ni têtes cachent de larmes renfoncées, de désirs comprimés et de regrets passionnés, tu me plaindrais, tu baiserais chacune de ces hideuses pattes de mouchea informes avec amour et tu viendrais tout de suite auprès de moi quels queb soient l’heure, le lieu et le temps. Je t’aime trop mon Victor puisque je ne peux pas supporter ton absence sans chagrin et sans découragement profond. Mais je ne peux pas t’aimer moins.
M. Vilain est venu quelques instants hier, et a paru étonné de ne pas trouver Eugénie qui n’est pas venue. Peut-être est-ce le mauvais temps, peut-être aussi est-ce quelques explications avec les Rivière. Enfin je n’en sais pas davantage et cela ne m’intéresse pas autrement.
C’est avec Mme Triger et son fils que j’irai au Français ce soir. J’aime autant cela que Mme Guérard, à qui il faut donner à dîner et qu’il faut reconduire. Du reste je regrette presque de t’avoir demandé cette loge car je ne me sens pas le cœur d’y aller et encore moins de m’y amuser. Si tu y pouvais venir, à la bonne heure. Mais sans toi cela ne peut que m’ennuyer beaucoup.

Juliette

MVH, α 7883
Transcription de Nicole Savy

a) « mouches ».
b) « quelque ».

Notes

[1Le prix Montyon est un prix de vertu.

[2Juliette avait joué en 1829 dans un vaudeville de Jacques-François Ancelot (1794-1854), que Victor Hugo connaissait fort bien et qui fut son rival à l’Académie française.

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