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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 mars 1847

31 mars [1847], mercredi matin, 9 h. ¾

Bonjour, le plus monstre des hommes, bonjour vous qu’on ne peut pas s’empêcher d’aimer, bonjour qu’on vous dit. Ô ce que je voudrais pouvoir vous haïr ! Avec quelle volupté je vous rendrais tout le mal que vous me faites ! Quel bonheur ce serait pour moi de vous rendre en bisqueries, en vexations, en colères et en fureurs tout ce que vous me faites souffrir par vos enveloppes cravattes, par vos cires aristocratiques, par vos mines d’académiciens vainqueurs et spontiniens [1] par vos bonnes fortunes omnibus et par vos fréquentes visites à la mairie et à Chaumontel, par la garde nationale de Charles [2], par son n° [illis.], qui n’est pas aussi simple qu’on croit, par vos travaux qui ne sont pas d’Hercule. Par tout ce qu’il y a de plus hideux, de plus agaçant, de plus crispant, de plus titillant, de plus énervant et de plus enrageant, de plus exaspérant et de plus embêtant et de plus aplatissanta. Avec quelle joie féroce je saisirais toutes les occasions de vous rendre ennui pour ennui, colère pour colère, jalousie pour jalousie, fureur pour fureur et air pour aria. Il suffirait pour cela de retirer mon cœur de vos griffes. Mais la besogne n’est pas facile et il n’est que trop probable que vous ne me le rendrez que mort. Hélas ! Que ce soit le plus tôt possible. Si vous ne m’aimez plus assez pour me sacrifier vos duchesses de rencontre et votre luxe de papeteries.

Juliette

MVH, α 7876
Transcription de Nicole Savy

a) « applatissant ».


31 mars [1847], mercredi après-midi, 3 h. ¼

La leçon d’hier vous a servi pour aujourd’hui, vieux Toto, et vous serez sans doute allé à la Chambre directement. Ceci n’est pas absolument maladroit pour un pair de France mais je vous préviens que j’ai plus d’une ressource dans mon…. ridicule amour et que je saurai bien vous retrouver. Je vous en préviens afin que vous ne vous laissiez pas surprendre, ce qui ne vous serait peut-être pas aussi égal que vous le pensez. Profitez de vos échappées car qui sait quand elles pourront se renouvelera. Moi de mon côté je profite du répit que je vous accorde pour me régaler de maux de pieds et de tête à discrétion. Je n’avais qu’un pied malade autrefois mais par un progrès charmant l’autre est devenu encore pire que le premier. Si bien que je souffre le martyre et que je ne sais à quel saint m’avouer. Avec cela que mon esprit, mon âme et mon cœur sont à l’avenant, ce qui me complèteb et fait de moi la Juju la plus triste, la plus lugubre et la plus malheureuse qui soit au monde. Heureusement que tu as eu la précaution de me fuir et d’aller chercher ailleurs de la gaieté, de la bonne humeur et du bonheur. Profites-en sans remords si tu peux.

Juliette

MVH, α 7877
Transcription de Nicole Savy

a) « renouveller ».
b) « complette ».

Notes

[1Spontini (1779-1851), compositeur d’opéra italien, vivait alors à Paris et était membre de l’Académie des Beaux-Arts.

[2Juliette parle ailleurs du carabinier de Charles pour désigner les bonnes excuses que se trouve Hugo pour venir le moins possible.

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