Paris, 8 janvier [18]77, lundi midi
Je t’aime, mon grand bien-aimé, sois béni. Le temps est triste et sombre, ce qui n’est rien quand on a la joie au cœur mais, hélas ! ce n’est pas le cas depuis que la pauvre petite Jeanne souffre le martyre 12 fois par jour. Je ne sais pas ce que je donnerais pour qu’on trouvât moyen de remplacer cet épouvantable traitement par un autre plus supportable que cette torture répétée d’heure en heure sur cette pauvre petite créature. J’en ai le cœur tout à fait navré et je ne peux me retenir de pleurer chaque fois que j’entends les cris et les pleurs de cette malheureuse petite fille. Mme Ménard vient de la ramener de chez l’oculiste mais la bonne n’a pas su me dire ce qu’il pensait de l’œil de cette chère petite bien-aimée, ni si le traitement est modifié. En revanche Mme Charles va de mieux en mieux. Peut-être pourra-t-elle descendre à table ce soir. Mais n’anticipons pas, comme dit le pauvre Ménélas [1], dans la crainte d’une déception. En attendant, mon ineffable grand adoré, je reprends courage en t’aimant de tout mon cœur et de toute mon âme.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 9
Transcription de Guy Rosa