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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 mai 1846

26 mai [1846], mardi matin, 7 h. ¾

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon cher petit homme, bonjour toi, bonjour vous, je t’aime. Je te souris et je vous porterai si vous venez ce soir. Tâche de venir mon Toto chéri. Hélas ! cela ne dépend pas tout à fait de toi et j’ai assez peu de chance pour que la séance se prolonge jusqu’à 6 heures. Toutes ces craintes quotidiennes me donnent une espèce de mal d’estomac qui me pèse et m’étouffe comme si j’avais reçu un coup violent à cette partie-là. C’est probablement nerveux mais l’effet en [est] très douloureux. Ma fille n’a pas beaucoup dormi cette nuit mais cependant elle va mieux ce matin et elle paraît déjà avoir repris un peu de force et de courage. Je serais donc relativement très heureuse si j’étais sûre de te voir tantôt. Je veux m’efforcer de l’espérer d’abord pour être moins impatiente et moins ennuyéea toute la journée. Ensuite parce qu’il me semble que l’espoir et le désir de voir l’homme qu’on aime doivent avoir une force attractive qui doit attirer forcément. Je suis tant de fois interrompue pendant que je t’écris que je ne sais pas ce que je t’écris et que je recommence trois fois la même chose. Je ne les dis qu’à moitié mais la chose que je sais et sur laquelle je suis sûre de ne pas me tromper à quelque moment de ma vie que je te le dise et dans quelque circonstance que ce soit, c’est que je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 89-90
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « ennuiée ».


26 mai [1846], mardi après-midi, 6 h.

Est-ce que tu ne viendras pas mon pauvre adoré ? Est-ce que cette longue journée de fatigue et d’ennui ne sera pas couronnée par un peu d’amour et de bonheur ?

9 h. ½

Je viens de donner la pilulea de nuit à ma fille, mon cher petit Toto, et j’attends que sa tisaneb de lichen soit faite. Je profite de cette heure de repos pour t’écrire un petit bonsoir bien tendre et bien rempli de baisers. Je voudrais souffler mon âme vers toi. J’espère que le bon Dieu aura pitié de moi et qu’il arrangera les choses de manière à ce que tu puisses venir demain soir. Il sait, lui, combien les quelques instants que tu peux me donner me sont nécessaires, je dirai même indispensables pour supporter la vie comme il me la fait dans ce moment-ci. Je t’ai quitté avec plus de peine et de regret encore que de coutume. C’est toujours la dernière séparation qui semble m’être la plus pénible et c’est toujours au moment où je te revois qu’il me semble que je n’ai jamais été plus heureuse. Chaque fois que je pense à toi, c’est-à-dire toujours, il me semble que je ne t’ai jamais autant aimé que dans cette minute-là. Toutes ces illusions durent depuis le premier moment où je t’ai vu jusqu’à présent et elles dureront autant que moi-même. Je le sens jusque dans la moëlle des os. Bonsoir, mon adoré. Dors bien. Pense à moi et aime-moi et viens demain.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 91-92
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « pillulle ».
b) « tisanne ».

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