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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 31 décembre 1854, dimanche après midi, 1 h.

Je vous aime, mon petit Toto. Mon amour est l’étoile fixe de mon cœur. À quelque heure du jour et de la nuit, quel quea soit le temps et sous quelque latitude que ce soit, il rayonne sur ma vie, la réchauffe, l’éclaire, la réjouit et l’éblouit. Sans lui mon âme serait restée à tout jamais dans les ténèbres. Grâce à toi je comprends, je sens, je vis, j’aime. Sois béni, mon adoré, pour cette renaissance de moi-même que tu m’as insufflée dans un baiser.
Cher petit homme, le hasard me taquine toujours dans vos post prandiumb passus mille. Mais aussi qu’est-ce qui pouvait deviner que vous sortiriez par ce temps de bruine glacée et après 10 h. ? Quant à moi, qui avais laissé éteindre mon feu, je ne comptais pas du tout sur vous et je venais de me coucher pour me soustraire à l’humidité qui me tombait sur les épaules. Vous savez comme cela m’a réussi au lieu de vous embrasser en chair et en os comme un saint Amadou il m’a fallu me contenter de vous envoyer des baisers d’ombres chinoises. Dorénavant je ne me coucherai pas que vous ne soyez revenu, dussé-jec passer la nuit à vous attendre. De cette façon j’aurai peut-être la chance de vous saisir au passage. Jusque là je ne me pardonne pas de vous avoir manqué deux fois. Pour me consoler un peu je vous dirai que tout le monde accepte le rendez-vous de mercredi. Les Asplet [1] comme les Allix [2]. Ah ! ah ! il paraît que le frère philippe [3] ad beaucoup ri en lisant notre gribouillis, ce qui a fait faire à Suzanne cette réflexion flatteuse : Vlà Madame qu’ad écrit des bêtises, sur quoi Asplet a cru devoir protester, pour la forme, par un : jamais demi normand demi jersiais dont je vous laisse l’interprétation libre. Du reste on n’est jamais trahi que par les chiens ou les Suzânes.
Je vais profiter de mon dimanche pour copire tout ce que tu m’as donné hier car je crains d’avoir peu de temps à moi demain et encore moins mercredi. Tâchez, de votre côté, mon cher petit Toto, de venir un peu de bonne heure pour faire le mien, j’ose le dire, quoique cette locution soit un peu détamée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 446-447
Transcription de Chantal Brière

a) « quelque ».
b) « prendium ».
c) « dussai-je ».
d) « à ».

Notes

[1Les frères Charles Asplet et Philippe Asplet étaient amis de Hugo.

[2Même chose pour les frères et sœurs Émile Allix, Jules Allix et Augustine Allix.

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