Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1846 > Août > 14

14 août [1846], vendredi après-midi, 2 h. ½

Mon cher petit homme adoré, tu es sans doute à la distribution Jauffret [1] ? Ton bon petit cœur de père se sera laissé attendrir aux prières de Toto (deuxième du nom). À l’heure qu’il est, vous jouissez de vos triomphes, l’un portant l’autre, et vous oubliez qu’il y a, quelque part dans un coin, une pauvre vieille Juju qui n’a que vous, qui vous aime, qui vous désire et qui vous attend. Je vous pardonne parce que je sais que vous êtes heureux et je trouve de la patience, du courage et de la résignation dans votre bonheur à tous. Cela ne m’empêche pas de désirer que vous veniez tout de suite aussitôt enfin que ce sera fini. J’espérais que tu serais venu baigner tes beaux yeux adorés [2] avant d’aller à cette distribution. Il paraît que tu n’en as pas eu le temps ? Je le comprends, de reste, en pensant à tout ce que tu as à faire en dehors des joies et des triomphes de famille. Maintenant, je crains que tu n’ailles à la commission des auteurs avant de venir me voir. J’en ai déjà un serrement de cœur qui ne m’annonce rien de bon. Je fais ce que je peux pour chasser cette….a

6 h.

Vous êtes bien gentil, mon Toto, d’être venu donner un démenti, en votre charmante et délicieuse personne, aux vilains pressentiments que j’avais et qui me faisaient croire que je ne vous verrais pas avant ce soir. Seulement je crois que Mme Triboulet [3] a au moins une aussi grande part que moi dans cette attention délicate, et je peux, sans ingratitude, renfoncer la moitié de ma reconnaissance. N’est-ce pas, scélérat, que c’est vrai ? ah ! ha ! hah ! A ! à ! Prenez garde à vous. Je vous ferai travailler dans le salon à une bonne petite place noire qui ne vous fera pas mal aux yeux. Dans ma chambre, cela vous ferait trop loucher ; je ne veux pas. C’est convenu. Vous êtes très content, très heureux et pas du tout cartonné. Voime, voime mais che ne ferai bas [illis.] Dripoulet en vérité [4] ? eh ! bien vous me verrez moi, attrapéb.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 35-36
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) Quatre points de suspension.
b) « attrappé ».

Notes

[1Charles et François-Victor Hugo étudiaient à l’Institut Jauffret.

[2Juliette évoque à plusieurs reprises les problèmes ophtalmiques de Victor Hugo.

[3On ne sait qui est visé derrière ce sobriquet peu flatteur, emprunté au bouffon du Roi s’amuse.

[4Juliette s’amuse parfois à imiter des accents, comme ici l’accent germanique.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne