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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 septembre [1846], mercredi matin, 8 h.

Bonjour, mon pauvre adoré, bonjour, mon Victor bien aimé, bonjour de toute mon âme. Hélas ! je ne peux pas te dire beau jour car il fait un temps hideux et qui paraît ne devoir pas cessera de sitôt. Pourvu qu’on se soit trouvé à la station de Marolle [1] à 8 h.16 m. avec une voiture ? C’est plus que probable et tes chers enfants et leur hâte n’auront pas oublié l’heure que tu avais indiquée dans ta lettre. J’espère que tu as bien dormi cette nuit et que tu auras pris la précaution de te chauffer de manière à n’avoir pas les pieds mouillés ? Cependant je ne serai tranquille que lorsque tu seras revenu et que je saurai que tu ne t’es pas enrhumé. Avec la chance qui me suit dans tout, voilà le temps gâté pour toute la semaine. Cela ne m’empêchera pas d’être avec toi et d’être heureuse mais un beau soleil n’aurait pas nui à notre petite excursion. Je n’avais pas compris tout d’abord le bénéfice dont tu me gratifiais, je croyais au contraire que tu me rognais une nuit sur mes pauvres vingt-quatre heures, ce qui me paraissait un peu usuraire. Voilà pourquoi je n’ai pas eu le mouvement de joie accentué que j’aurais eu si j’avais mieux compris tout de suite de quoi il était question. Maintenant je comprends, je te remercie, je te baise, je suis heureuse et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 147-148
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « cessé ».


23 septembre [1846], mercredi soir, 4 h. ¼

Quel temps, mon pauvre adoré, et comment feras-tu pour revenir ce soir [2] car il n’est que trop certain qu’on t’aura gardé à dîner là-bas ? Cependant, il faut que tu reviennes si tu ne veux pas me faire passer une nuit atroce car mon cœur est à la jalousie et à la défiance depuis bien longtemps déjà, mais avec un redoublement depuis que je vous sais dans cette maison harem. Je t’assure, mon Victor adoré, que je ne crois pas que je supporterais tranquillement la pensée d’une nuit que tu pourrais passer avec toutes ces servantes maîtresses. Tu dois penser avec quelle impatience douloureuse et brûlante j’attends ton retour. Pourvu que tu reviennes, pourvu que mes pressentiments ne soient pas fondés, pourvu, mon Dieu, que je ne sois pas la plus trompée et la plus malheureuse des femmes. J’ai le cœur malade, je souffre de l’âme et j’ai l’esprit à la torture. Tout cela s’évanouira si tu reviens ce soir, mais je sens que cela peut devenir bien affreux si tu pouvais ne pas venir. Il me semble, si tu m’aimes, que rien ne peut t’empêcher de venir. Autrefois, je n’aurais pas eu cette crainte : c’est qu’autrefois tu m’aimais comme je t’aime. Hélas ! Je verrai ce soir où tu en es de cet amour si tendre et si empressé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 149-150
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Station de Seine-et-Oise, près de Vert-le-Grand. Victor Hugo se trouve actuellement en visite chez M. et Mme Georges, où CharlesHugo passe sa convalescence en compagnie de François-Victor.

[2Victor Hugo se trouve toujours à Vert-le-Grand, comme le confirme sa lettre à sa femme du 23 septembre 1846 (CFL, t. VII, p. 740) et le Journal de ce que j’apprends chaque jour (ibid., p. 883).

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