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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 mai 1838

24 mai [1838], jeudi matin, 10 h. ¾

Je vous aime mon Toto, vous êtes bien i d’être venu un petit brin tout à l’heure. Vous seriez encore bien plus i si vous vouliez dîner ou souper avec moi ce soir. J’allais vous écrire mon petit homme lorsque vous êtes entré. Pourquoi n’êtes-vous resté davantage ? Je suis si heureuse quand vous êtes là que c’est bien mal à vous de ne pas prolonger mon bonheur quelques heures de plus. Tu travailles mon petit homme chéri et tu ne pourras pas me mener chez la mère Pierceau aujourd’hui ? Eh ! bien je m’en vengerai en travaillant de toutes mes forces à ma table de nuit et en me piquant les doigts sous les ongles et puis en vous aimant de toute mon âme.
Quel bête de temps qui vous regarde d’un œil louche sans rire ni pleurer. Si j’étais le bon Dieu, je lui donnerais de fameux coups de pied au bas des reins pour lui apprendre. Malheureusement je ne suis qu’une faible femme qui ne sait qu’avoir mal à la tête et aimer son Toto. Vous ne m’avez pas apporté les journaux mon petit homme. Pourquoi ça ? Est-ce que vous les avez laissés chez Hortense [1] ? Prenez garde alors que j’imprime sur votre chère petite peau les marques de mon juste ressentiment. En attendant, venez me baiser tout de suite. Je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 188-189
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette


24 mai [1838], jeudi soir, 5 h. ¾

Je veux vous montrer mon Toto chéri que je suis bien résignée et que je vous aime de toute mon âme. Je trouve que vous avez raison et je trouverai que vous êtes aussi bon que vous êtes beau si vous venez cette nuit déjeuner avec moi. Je vais continuer à me picoter les doigts en pensant à vous et en vous désirant de toutes mes forces. Je tâche de faire bonne contenance, mon amour, et cependant j’ai la tristesse dans le cœur. Je pense à ce que tu m’as dit de tes pièces et je crois entrevoir que dans la première ni dans la seconde il n’y aura de rôle pour moi. La première, je le sais, tu ne peux m’en donner un mais dans la seconde ?… Et que deviendrai-je moi qui aurai attendu cinq ans pour rien [2] ? Surtout quand on verra que tu fais des pièces, que je suis engagée et que je ne joue pas dedans. Tout cela est fort triste mon pauvre bien-aimé, et fait pour abattre un courage plus fort que le mien. Cependant je sais que tu m’aimes. Je sais que tu es le plus loyal des hommes mais cela ne suffit pas, il paraît, pour m’aider dans une carrière où seule j’avais presque réussi. Je suis triste va, et je t’aime pourtant de toute mon âme. Quand te verrai-je ? Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 190-191
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À élucider.

[2Juliette Drouet n’a plus rejoué depuis son échec dans Marie Tudor en 1833.

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