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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 mai 1854

Jersey, 21 mai 1854, dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, je t’aime, j’ai beau chercher une locution moins banale, une forme moins commune pour te dire ce que j’ai dans le cœur je n’en trouve pas d’autre que celle-là : je t’aime. Toute mon âme est dans ces sept lettres, trois de plus que pour Dieu, proportion juste d’ailleurs car Dieu n’est que tout. L’amour est plus que tout. Je t’avais prié hier de m’écrire un petit mot de tendresse en l’honneur de ma fête [1] mais j’ai réfléchi depuis que c’était trop te demander à la fois dans ce moment où tu auras redoublement de travail. Aussi, mon pauvre adoré, j’y renonce et je me contenterai de mon ravissant petit tableau [2]. Je me figurerai en le regardant que tous ces pignons, tous ces toits, tous ces clochers sont autant de bonnes pensées que tu me donnes, y compris le ciel éteint et mélancolique du crépuscule, qui ressemble trop, hélas ! à celui de notre amour. Ainsi, mon cher petit homme, ne te fais pas de ma prière une obligation fatigantea, autant un seul mot de toi donné librement m’est précieux et me comble de joie, autant il me serait un remords et une honte arraché par l’obsession. Je te le dis du fond du cœur, mon cher petit bien-aimé, ne m’écris pas si tu n’en sens pas toi-même le besoin irrésistible.
Je suis bien fâchée et même un peu inquiète que le bonhomme Durand ne m’ait pas apporté mon cher petit dessin hier. C’est un jour de moins à t’admirer, et je les compteb, et puis j’ai peur qu’on ne lui ait manqué de parole ce qui m’affligerait sérieusement. Enfin je n’en auraic le cœur net que ce soir. D’ici là ma pensée et mon impatience feront encore bien des évolutions autour de toi et de mon cher petit tableau de fête. Tâche de venir de bonne heure pour que je puisse t’embrasser une pauvre fois à mon aise avant l’arrivée de mes convives. Et puis, mon cher petit maître d’hôtel, vous m’enseignerez le grand truc du grand monde pour que j’ai l’air d’une grande dame.

Juju

BnF, Mss, NAF 16375, f. 197-198
Transcription de Chantal Brière

a) « fatiguante ».
b) « comptes ».
c) « n’aurai ».

Notes

[1Hugo et Juliette fêtent la Sainte Julie le 21 mai.

[2Il s’agit du dessin « Crépuscule », MVH, inv. n° 38 (exposé chez Georges Petit en 1888, n° 137, et dans l’éphémère Maison de Victor Hugo autour de 1889, n° 8)
http://parismuseescollections.paris.fr/fr/node/210254 [Remerciements à Gérard Audinet].

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