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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 27 avril 1854, jeudi après-midi, 4 h. ½

Mon âme et mes yeux te cherchent, mon adoré bien-aimé, et s’attristent de ne pas te voir. Cependant mon cœur est plein d’amour et de courage. Je pense à toi avec toutes sortes de tendresses et je t’attends avec toute la patience dont je suis capable. Je sais que tu es occupé de tout et de tous, mon pauvre adoré, et je ne m’étonne pas de ne pas te voir plus tôt. Hier nous nous sommes quittés si brusquement que je n’ai pas eu le temps de te dire l’adieu sacramentel : je t’aime, mais les baisers ailésa s’envolaient de ma bouche et te poursuivaient avec des petits cris de regrets et de volupté que tu devais entendre à travers les voix de l’océan et du vent. À peine rentrée chez moi j’ai eu la visite du désagréable et louche Collet. Je l’ai reçu avec toute la politesse possible mais rien de plus, tant il m’est impossible de simuler la cordialité quand je ne l’éprouve pas. Après deux heures de laconiques lieux communs il s’en est allé à mon grand soulagement. En revanche j’ai eu tantôt la visite de l’honnête et excellent Durand lequel est très sincèrement affligé de la mort de cette pauvre Mme Asplet [1]. Il n’a pas osé se présenter dans la famille dans la crainte d’indiscrétion. Il venait me demander quels étaient les usages du pays dans ces douloureuses circonstances. Je lui ai dit que je les ignorais autant que lui mais que je pensais que les marques de pieuses sympathies à une famille si cruellement éprouvée ne pouvaient qu’être bien vues et bien accueillies partout et dans tous les pays. Cher adoré, c’est en pensant à cette pauvre morte que je te donne mon âme, ma vie et mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 160-161
Transcription de Chantal Brière
[Blewer]

a) « aîlés ».

Notes

[1Nancy Asplet, première femme de Charles Asplet.

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