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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 octobre [1846], vendredi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon cher petit Toto, bonjour, mon cher petit bien-aimé. Je t’aime et vous ? J’ai le bout du nez rouge et mes mains toutes raides de froid mais je vous aime tout de même et encore plus. Tout m’est bon pour avoir le droit de vous aimer de toutes mes forces. Je n’ai donc pas de séance nulle part aujourd’hui ? C’est peu amusant. Il me semble que tous ces vieux corps et toutes ces vieilles compagnies sont bien paresseux. S’ils m’appartenaient je les ferais travailler un peu mieux que ça. Enfin c’est ainsi, malheureusement pour moi qui n’ai pas d’autre occasion de sortir avec vous. Taisez-vous, vilain. Si vous étiez à ma place vous verriez que la vie que je mène, la [pâte ? pâtéea ?] à part, n’est rien moins que drôle trop souvent. Hum ! que j’ai envie de grogner et comme je me retiens pour ne pas céder à la tentation. Jour Toto, jour mon cher petit o, quand vous verrai-je ? Pas avant tantôt trop probablement. Eh ! bien ça m’est égal et pour me venger, je ne penserai qu’à vous, je ne m’occuperai que de vous et je vous copierai à mort [1]. Attrapéb ! Baisez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 225-226
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) On lit « pâte » ou « pâté » qui pourrait être mis pour « pâtée » (métaphore du chien domestique, prisonnier mais nourri).
b) « attrappé ».


23 octobre [1846], vendredi soir, 10 h. ¼

J’ai bien regretté tantôt, mon doux adoré, de ne pouvoir pas t’accompagner puisque tu pouvais et que tu voulais bien m’emmener. Je n’ai pas de chance comme tu sais, aussi m’a-t-il été impossible de profiter de ta gracieuse bonne volonté. Ce n’est pas ta faute ni la mienne mais ça n’en est pas moins triste.
M. Vilain avait gardé sa voiture pour emporter la [illis.] [2], aussi n’est-il pas restéa longtemps. Eugénie est partie à neuf heures et demie et depuis ce temps-là j’ai compté ma dépense, triéb ton raisin et fait ma couverture. Dès que j’aurai fini mon griffouillis, je lirai la presse et je te la rendrai tout à l’heure quand tu viendras [3] ?
Cher petit homme, vous n’êtes pas gentil de n’être pas revenu ce soir me voir. Si j’osais et si je savais vous gronder, je le ferais de bon cœur pour vous apprendre à ne pas venir plus que ça. Mais je ne suis pas assez sûre de mes moyens ce soir. J’aime mieux remettre la chose et vous aimer seulement tout mon saoul en attendant que l’inspiration me vienne.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 227-228
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « rester ».
b) « trier ».

Notes

[1Juliette copie des poèmes qui prendront place dans les futures Contemplations.

[2Victor Vilain projette de réaliser un buste de Claire, la fille de Juliette Drouet.

[3Juliette Drouet n’est autorisée à lire que les journaux que Victor Hugo lui apporte. Cela fait partie de leur « pacte ».

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