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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 10 février 1880, mardi (gras), 8 h. du matin

Cher bien-aimé, je ne me plaindraia pas de ma triste nuit parce qu’en somme le bonheur de me sentir vivre tout près de toi l’emporte tout à fait sur l’agacement de l’insomnie ; mais ce bonheur est bien troublé quand tu la partagesb, cette insomnie, ainsi que tu l’as fait cette nuit.
Aussi ce matin je suis toute tristaude et toute mal en point.
J’ai besoin d’espérer qu’un bon somme d’ici au déjeuner suffira pour emporter ta mauvaise nuit et que nous pourrons profiter du beau temps qu’il semble devoir faire tantôt.
En attendant, les petits oiseaux prennent déjà des poses d’amoureux et les petits enfants joyeux courent à l’école sans se faire prier en faisant des pieds de nez à cette méchante pince-sans-rire, l’onglée, qui les faisaient tant souffrir cet hiver.
Je viens de recevoir un petit mot de Paul Meurice qui me dit que Vacquerie ayant lui-même des invités chez lui ce soir, il ne pourra pas être des nôtres. Il en sera de même des Allix demain parce que c’est demain le jour de service d’Allix toute la journée et toute la nuit [1].
Malheureusement je suis prise de trop court pour faire d’autres invitations, aussi serons-nous tout à fait entre nous, ce dont je ne serais pas fâchée si ça ne faisait pas de vide dans tes habitudes extra hospitalières. Quant à moi, je suis plus que comblée et satisfaite avec toi seul, pour morceau de Roi, excusez du peu ! et puis fâchez-vous si vous voulez [2], je vous adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16401, f. 40
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin

a) « plaindrais ».
b) « partage ».


Paris, 10 février 1880, mardi gras midi

Cher bien-aimé, je tiens à justifier le proverbe de « qui paie ses dettes s’enrichit » en te payant ma restitus d’hier, ce qui ajoute un bonheur de plus à mon trésor d’amour, en te répétant une fois de plus encore par A plus B que je t’adore.
Les deux bons Crémieux marchent ensemble depuis sept heures ce matin dans leur rêve étoilés [3] ! Ils pourront, dès à présent, renouvelera là-haut en noces d’or et de diamant et de soleil, leur noce d’argent qu’ils avaient maintenant fêtée ici-bas. Et cela pendant les siècles des siècles et de toute éternité. Je les envie et je les bénis [4].
Je suis allée renouvelera le feu de ta chambre, sans oser te réveiller, car je sais combien ta nuit a été mauvaise. Je vais y retourner avant de descendre déjeuner, mais sans espoir de te trouver prêt à descendre en même temps que moi, trop heureuse si tu l’es pour profiter du peu de soleil qu’il fait aujourd’hui. Cher, cher bien-aimé, tâche de donner cette marque de santé et d’amour à notre cher mardi-gras.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16401, f. 41
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin

a) « renouveller ».

Notes

[1Médecin, Allix, devait être de garde.

[2Citation de Marie Tudor, dans la scène IV de la première partie de la troisième journée, la Reine à Simon Renard : « Un baron anglais, Monsieur, vaut un prince espagnol. D’ailleurs lord Courtenay descend des empereurs d’Orient. Et puis, fâchez-vous si vous le voulez ! ».

[3Ruy Blas, dans son monologue après que la reine lui a déclaré son amour » : « Ah ! je marche vivant dans mon rêve étoilé ! »

[4Louise Amélie Silny, femme d’ Adolphe Crémieux, est décédée le 30 janvier 1880. Juliette en parle dans sa lettre du 2 février 1880 où elle souhaite à son mari de la rejoindre bientôt.

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