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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 septembre [1848], mercredi matin, 8 h. ½

Bonjour, Toto, bonjour, mon cher petit o, bonjour qu’on vous dit et avec l’onglée aux pieds et aux mains. Il fait déjà un froid de chien dans ce petit rez-de-chaussée au nord. Aussi, il faudrait bien des réductions de prix et d’aménagements pour me décider à en reprendre un dans les mêmes conditions de BÉRÉSINA. D’abord, on y dépense trop de bois et on y gèle trop fort. Le sort en est jeté, mon amour adoré, j’aurai un lit en chêne d’ici à un mois avec tes chères petites armoiries en tête, moins le manteau de pair et le cimier, et la devise, hélas ! moins la tête et le cœur. Mais il n’y aurait pas eu moyen de les faire exécuter pour le prix entièrement. Il a fallu simplifier et ne faire absolument que l’écu et la couronne. Enfin, tout incomplètes qu’elles seront, ce n’en seront pas moins tes armoiries, c’est-à-dire le signe visible de ta noblesse et de ta distinction. Mais cela est bien mieux écrit sur votre grand front que sur votre couronne. Tu n’es pas seulement noble par le blason, tu l’es par le génie ; et le plus noble et le plus grand et le plus sublime entre tous ceux qui ont ceint la couronne de rois et d’empereurs. J’ai bien de la peine à exprimer ce que je sens, mais je sais que tu es pour moi la réalisation de tout ce qu’il y a de plus beau, de plus noble, de plus doux, de plus généreux, de plus grand et de plus sublime. Voilà tout. Baise-moi. Je t’adore.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/86
Transcription de Joëlle Roubine


20 septembre [1848], mercredi soir, 6 h.

Je te remercie encore, mon aimable et bien doux adoré, de ta bonne surprise. Je ne m’y attendais pas et j’en ai été doublement heureuse. Tout ce qui est une marque d’affection de toi me touche et me transporte de joie. Merci, mon Victor, merci avec des larmes de bonheur ; merci. Tu es bien mon grand et sublime, Victor par la tête et par le cœur. Je t’aime avec la tendresse d’une mère, le dévouement jaloux d’une amante et le respectueux culte d’une dévote pour son Dieu. Je voudrais te porter dans mes bras, je voudrais ne pas détachera ma bouche de la tienne et mes yeux de tes yeux. Je voudrais passer ma vie à tes pieds en t’admirant et en te bénissant. J’espère qu’il n’y aura pas de nouveaux troubles. Je n’ai rien vu d’alarmant en revenant tantôt, mais cela ne prouve pas grand-chose avec les cerveaux brûlés parisiens. Cependant, j’espère que tu n’auras pas le bonheur de voir la France tomber d’un [CENTIÈME  ?] et je n’en suis pas au désespoir. J’avoue que j’aime mieux que tout se passe tranquillement et sans la moindre petite écrabouillade. Je prie le bon Dieu pour cela et je t’aime à feu et à sang.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/87
Transcription de Joëlle Roubine

a) « détache ».

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