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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 octobre [1846], vendredi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, je t’aime et toi ? J’ai fait de mauvais rêves cette nuit, mais je n’y attache pas autrement d’importance car c’est presque toujours ceux-là que je fais quand j’en fais. Ce qu’il y a de sûr, c’est que je ne rêve jamais que je ne t’aime pas, je ne rêve jamais assez pour commettre une aussi monstrueuse erreur.
Cher adoré bien-aimé, je veux tâcher d’avoir le courage d’aller demain à la tombe de cette pauvre enfant [1]. Dans le cas où tu ne pourrais pas venir je te supplie de me laisser aller avec Joséphine. Il n’y aurait que le trop mauvais temps ou mon manque de courage qui pourraient me faire ajourner ce pieux pèlerinage qui, à cette époque de l’année, est un rigoureux devoir. Je pense y aller demain de midi à 1 h. Je ne voudrais pas être trop attardée dans des cheminsa que je ne connais pas, surtout avec Joséphine qui marche difficilement et qui n’y voit presque pas. Ainsi demain à midi ou 1 h. au plus tard je partirai de chez moi je l’espère.
Je suis impatiente de connaître la réponse de Paul [2]. J’ai une peur affreuse qu’il ne refuse de conduire sa sœur à Orléans et que tu ne sois obligé d’y aller toi-même. Je suis triste, triste, il semble que tout se réunisse dans ce moment-ci pour me faire trouver la vie difficile et mauvaise. Et pourtant tu es un ange de bonté et je t’adore de tout mon cœur.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1846/03
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « chemin ».


30 octobre [1846], vendredi soir, 7 h.

Merci, mon cher adoré, merci des quelques minutes que tu viens de m’accorder, merci de tout mon cœur, de toute mon âme et de tous mes baisers. Je suis toute à toi, mon bien-aimé, tu le sais et rien ne pourrait mieux m’intéresser à la vie que la pensée que je te suis bonne à quelque chose. Tout ce que j’ai de force, de courage et d’intelligence est à ta disposition, trop heureuse si tu peux en tirer quoi que ce soit pour ton service.
Cher adoré, si quelque chose peut me rendre le chemin de demain moins pénible et moins lugubre, ce serait de le faire avec toi mais, dans le cas où ton travail te retiendrait, j’irai tout de même. Je sens que je le dois et j’espère que le bon Dieu me donnera le courage d’accomplir ce douloureux devoir. Je ne veux pas y aller seule et je n’aurais pas pu supporter le voisinage de Suzanne, toute bonne fille qu’elle est, pour ma première visite à cette tombe [3]. Tu comprends cela, n’est-ce pas, mon adoré ?
Tâche de venir ce soir de bonne heure, mon Toto, j’ai tant besoin de te voir. Si tu savais à quel point tu es mon premier et mon unique besoin, tu comprendrais pourquoi tous mes vœux, tous mes désirs et toutes mes prières ont pour but d’être avec toi. Ô je t’aime, mon Victor, je t’aime, je t’aime.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1846/04
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « chemin ».

Notes

[1Claire Pradier, la fille de Juliette Drouet, est morte le 21 juin 1846.

[2À élucider. On ne voit pas que Juliette applique cet adjectif à Paul Foucher ou à Paul Meurice, deux intimes de Victor Hugo.

[3Claire, enterrée tout d’abord le 23 juin au cimetière d’Auteuil, en est exhumée le 11 juillet pour être transférée à celui de Saint-Mandé, selon ses dernières volontés.

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